Stage de fin d’études réalisé par Enora CARIOU
Ecole Nationale de la Météorologie
Février – août 2023
Encadrants : Alexandre Peltier (Météo-France), Christophe Menkes (IRD)
Enora Cariou a réalisé un stage de 6 mois incluant trois présentations (au démarrage, à mi-parcours et fin de stage) réalisées devant l’équipe-encadrante CLIPSSA et la communauté de chercheurs issus de l’IRD, l’IFREMER, Météo-France, etc.
Elle a soutenu son mémoire de fin de stage le 24 août 2023 devant les équipes de l’Ecole Nationale de Météorologie, l’IRD et Météo-France.
Objectif principal de l’étude
Cette étude a visé à faire un état des lieux des vagues de chaleur ayant impacté la Nouvelle-Calédonie au cours des 40 dernières années. Ce travail de recherche s’appuie sur l’indice Excess Heat Factor (EHF), caractérisant l’intensité des vagues de chaleur et généré à partir des données de température in-situ, en huit stations Météo-France et des ré-analyses ERA5 Land.
Contexte, problématique et objectifs spécifiques
Depuis 10 ans, Météo-France et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ont mis en place un outil de suivi et de prévisions des vagues de chaleur pour se prémunir de tout risque sanitaire lié à l’hyperthermie. La population calédonienne présente de nombreux facteurs de comorbidité – diabète, hypertension artérielle sévère, insuffisance cardiaque, obésité – qui la rendent particulièrement vulnérable aux coups de chaleur qui persistent la nuit. L’outil de suivi et de prévision des fortes chaleurs développés par Météo-France a permis de prendre des mesures par le gouvernement pour limiter le risque d’hyperthermie pendant la saison chaude. Si les autorités sanitaires ont exprimé leur satisfaction quant à la qualité des prévisions, les connaissances scientifiques sur les vagues de forte chaleur ne se sont pas enrichies. Le but de stage avait ainsi pour but de répondre aux questions suivantes :
- Quels sont les caractéristiques des vagues de chaleur en Nouvelle-Calédonie (durée, intensité, nombre) ?
- Quelles sont les tendances ?
- Quels sont les mécanismes atmosphériques en jeu ?
- Les épisodes les plus marquants étaient-ils localisés ou d’ampleur synoptique ?
Le plan de travail a été ciblé sur les points suivants :
- Les caractéristiques temporelles des épisodes de forte chaleur localisés en Nouvelle Calédonie : définition de l’indice Excess Heat Factor (EHF) pour décrire les vagues de chaleur (données, méthodes et comportement de l’indice)
- Les caractéristiques spatiales et temporelles des vagues de chaleur à l’échelle régionale (swSPCZ) : climatologies, tendances, téléconnexions avec l’ENSO et les régimes de temps
- Etude des épisodes les plus intenses : application de l’analyse archétypales aux données EHF.
Résultats principaux
Les études des climatologies annuelles, saisonnières et des tendances à long terme ont révélé en moyenne l’occurrence de 4 à 5 vagues de chaleur sur le territoire, durant en moyenne 4,5 à 5 jours. Elles sont plus nombreuses sur la côte Sud-Est de la Grande Terre et sur les Iles Loyauté, mais plus intenses sur le relief et la côte Ouest. De plus la saison fraiche (d’avril à octobre) connait des épisodes également plus intenses et plus longs. Une augmentation significative du nombre de vagues de chaleur sur la majorité du territoire est observée mais ce signal est moins clair pour les intensités et durées moyennes. L’étude sur l’impact de différents phénomènes atmosphériques concernant le nombre de vagues de chaleur à travers les trois types de temps (Temps Tropical, Alizé Instable et Perturbation Australe) favorisaient le nombre de jours de vague de chaleur. De plus, La Nina semble aussi favoriser significativement le nombre d’épisodes caniculaires. Enfin, le test réalisé sur l’oscillation de Madden-Julian fait ressortir deux phases, ayant un effet significatif mais opposé sur l’occurrence des vagues de chaleur.
L’étude des téléconnexions et l’analyse des évènements les plus intenses, grâce à la méthode d’Analyse Archétypale, démontrent une influence significative de l’ENSO sur le nombre et l’intensité des vagues de chaleur. Les régimes de temps dans la région agissent également sur l’occurrence des vagues de chaleur. Enfin, l’analyse Archétypale révèle des patterns géographiques lors des vagues de chaleur les plus intenses. Pour améliorer cette analyse, il faudrait mettre en place des tests statistiques pour confirmer ces constats. En Nouvelle-Calédonie, la vague de chaleur intense en été 2015-2016 a fait blanchir les coraux massivement alors qu’on ne s’attendait pas à cela. En effet, à priori, en Niño, les températures sont normalement plus fraîches. Ici, on observe une téléconnexion avec El Niño qui crée des vagues de chaleur intenses. Ce lien reste encore à prouver.
Il serait également intéressant d’appliquer l’analyse sur l’ensemble de l’année et pas seulement sur la saison chaude (non réalisé par manque de temps). En effet, uniquement sur la saison chaude et en faisant tourner l’algorithme plusieurs fois pour en déduire le nombre optimal d’archétypes, le temps de calcul était d’environ 48h. Il est possible cependant de réduire la dimension du jeu de données et appliquant une analyse en composantes principales, au préalable.
Perspectives
Pour poursuivre ce travail, des tests statistiques devront être réalisés pour vérifier l’impact d’El Niño sur l’intensité des vagues de chaleur. De plus, les ré-analyses ERA5 Land montrent des biais non négligeables par rapport aux observations, en particulier sur les valeurs des températures et le nombre détecté de vagues de chaleur. Des travaux complémentaires sont à envisager en utilisant d’autres modèles. Dans le cadre des simulations numériques de hautes résolutions sur la Nouvelle-Calédonie de CLIPSSA, il serait donc intéressant, dans un futur travail, de calculer l’EHF sur ces données. Ici, nous avons appliqué l’analyse archétypale seulement sur la saison chaude. L’appliquer sur toute l’année permettrait de comparer les patterns en différentes saisons.
Enfin, les récifs coralliens sont menacés de blanchissement, notamment à cause des vagues de chaleur marine. Ainsi il pourrait être envisagé de développer un axe de recherche liant les vagues de chaleur atmosphériques et marines.
Retrouvez son mémoire, la présentation et article ici !
Un poster synthétisant son travail a été présenté par Alexandre Peltier au 30th Conference of the Australian Meteorological and Oceanographic Society (AMOS) – 3 au 9 février 2024 à Canberra.