Ressources d’apprentissage et de transmission de savoirs et savoir-faire agricoles locaux

 Stage de fin d’études réalisé par Marie-Amélie RICHEZ

ISTOM – Ecole d’agro-développement international
Avril – août 2024
Encadrantes : Catherine Sabinot (IRD), Maya Leclercq (IRD)

 

Elle a soutenu son mémoire de fin d’études le 17 octobre 2024 devant l’équipe du jury de l’ISTOM, des élèves de la même école ainsi que ses encadrantes. Marie-Amélie a également participé à l’animation de 2 restitutions auprès des parties prenantes (agriculteur·ices et acteur·ices institutionnel·les) du projet CLIPSSA à Tahiti.

 

Résumé mémoire

Dans un contexte de changement climatique, les îles du Pacifique, dont fait partie la Polynésie Française, font face à des phénomènes atmosphériques parfois extrêmes impactant divers secteurs, dont l’agriculture. Le projet CLIPSSA, auquel est intégré ce mémoire, se penche d’une part sur la production de données scientifiques inédites sur le climat futur du Pacifique Sud, et d’autre part sur l’analyse des impacts sectoriels, afin d’accompagner les stratégies d’adaptation au changement climatique portées par les pouvoirs publics.

Le mémoire porte sur les ressources que mobilisent les agriculteur·ices du plateau de Taravao afin d’apprendre et/ou de transmettre leurs savoirs et savoir-faire agricoles dans un contexte de changement climatique. Les résultats montrent qu’il existe une diversité de ressources matérielles comme immatérielles mobilisées par les agriculteur·ices.

De la mobilisation de ces ressources résultent divers apprentissages qui, dans certains cas, permettent aux agriculteur·ices de trouver des solutions adaptées à leurs contraintes dont les impacts des phénomènes  météorologiques extrêmes touchant le plateau de Taravao. Ces « savoirs locaux » sont des ressources essentielles sur lesquelles appuyer les stratégies d’adaptation au changement climatique actuelles et à venir.

Contexte de l’étude

La Polynésie française, située au cœur de l’Océan Pacifique, fait face à des défis socio- économiques et environnementaux importants, notamment dans le secteur tertiaire. Son économie est en partie tributaire des transferts financiers de l’État français, et le secteur agricole, bien que modeste en termes de contribution au PIB, joue un rôle crucial pour la sécurité alimentaire du territoire. La superficie cultivée est faible, seuls 9% des terres émergées sont cultivées, soit environ 40 000 ha de surface agricole utile (SAU) (Dubreu et al., 2024) .

Outre la faible proportion de terres cultivables, le déclin de la main-d’œuvre agricole, ainsi que la complexité foncière, notamment liée à l’indivision des terres et à l’accès au foncier, posent des obstacles à l’expansion de l’agriculture locale. S’ajoutent aux contraintes socio-économiques précitées, des contraintes environnementales parmi lesquelles les impacts du changement climatique qui pèsent sur l’agriculture.
A Taravao, commune de Tahiti, les agriculteur·ices produisent une diversité de légumes, de tubercules et de fleurs.

Bien que les productions maraîchères y soient majoritaires, l’étude présentée s’intéresse également à la production de vanille et de taro, un tubercule tropical, respectivement pour la sensibilité des fleurs de vanille et la résistance des taros à certains phénomènes ponctuant ou régissant le quotidien de l’île. Pour assurer la productivité de leurs champs, les agriculteur·ices mettent en place des pratiques, les adaptent et les réajustent au fil du temps, des contraintes rencontrées, etc. Cette adaptation est alimentée par un processus d’apprentissage et de transmission de savoirs et savoir-faire locaux auquel nous nous intéressons.

Principaux résultats

Les rencontres et échanges avec 22 agriculteur·ices organisés sur deux mois et demi de terrain ont permis la collecte d’informations quant aux ressources d’apprentissage et de transmission de savoirs et savoir-faire agricoles locaux qu’il·elles mobilisent. On y compte des ressources immatérielles et matérielles.

– Les ressources immatérielles sont vectrices d’informations et donc de savoirs et de savoir-faire. C’est par l’intermédiaire de ces ressources que s’exerce la circulation d’une ou plusieurs informations. On y compte le réseau humain (familial, professionnel et amical), les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et autres supports d’information (magazines, thèse, etc.), les groupes spécialisés type association, etc. et les formations diplômantes. Enfin, l’empirisme, ou l’expérience de la pratique, apparaît comme ressource essentielle à l’apprentissage d’un savoir et d’un savoir-faire.

– Les ressources matérielles sont des ressources physiques qui permettent la mise en place d’un changement de pratique en tant qu’elles rendent possible l’application d’une solution (ex : le tracteur et ses accessoires pour un travail du sol mécanisé, système d’irrigation pour l’alimentation hydrique des cultures, etc.). On y compte divers intrants qui dépendent de l’activité exercée, comme le matériel agricole (ex : serres, tracteurs, systèmes d’irrigation, etc.), les intrants chimiques et naturels c’est-à-dire engrais, pesticides, herbicides, etc. et enfin la ressource en eau.

La mobilisation quotidienne ou ponctuelle de ces ressources participe à la mise en place de nouvelles pratiques agricoles par les agriculteur·ices rencontré·es sur le plateau de Taravao. Parmi les pratiques mises en place, plusieurs ont pour objectif de palier, en partie, à des contraintes d’ordre météorologique. En effet, les agriculteur·ices rencontré·es témoignent devoir faire face à l’impact des fortes pluies, à des périodes de faibles précipitations accompagnées de fortes chaleurs ressenties ou encore au décalage des saisons avec une arrivée de la saison fraîche plus tardive.

Quelles pratiques sont mises en place pour palier à ces contraintes ?

Exemple des serres pour minimiser les impacts des fortes pluies

Les pluies sont parmi les phénomènes atmosphériques impactant les cultures les plus cités par les agriculteur‧ices. Celles-ci causent des impacts d’envergure notamment sur les cultures maraîchères et de vanille du fait de leur intensité ou leur durée. Dans le secteur maraîcher, un épisode pluvieux prolongé peut parfois compromettre partiellement ou totalement les récoltes, en fonction de la sensibilité des cultures aux excès d’eau. Les pluies représentent également une menace pour la production de gousses de vanille due à la fragilité de leurs fleurs. Sous l’effet des pluies, le pollen fond et la pollinisation manuelle des fleurs devient impossible. Sans pollinisation aucune gousse de vanille ne sera produite. Lors des pluies, ce sont autant de gousses perdues que de fleurs non pollinisées. Enfin, au travers des discours des agriculteur‧ices, le taro n’apparaît pas comme une production particulièrement sensible aux pluies en comparaison avec les légumes maraîchers et la vanille ; bien que la sensibilité des taros à l’humidité diffère selon les variétés.

Les agriculteur·ices et vaniliculteur·ices rencontré‧es à Taravao mettent en place diverses solutions d’adaptation parmi lesquelles l’installation de serres. Les serres permettent de protéger les récoltes de l’impact direct des pluies en fournissant une couverture étanche. En s’affranchissant de la contrainte pluie, il est possible pour les agriculteur‧ices maraîcher‧ères d’étendre la période de production de certaines productions notamment la tomate dont la culture est prolongée sur la saison chaude, une saison pluvieuse (été austral de novembre à avril).

Cela permet alors d’assurer un revenu financier sur cette période : « Taravao est renommé pour être une zone très pluviale. Il pleut beaucoup, beaucoup. Du coup, en saison des pluies, on n’arrive pas à faire pousser des légumes parce qu’il pleut trop. Tous ceux qui sont en plein champ comme ça, quand ils ont des pluies, ils ont plus de légumes. Du coup, nous, on a mis des serres pour pouvoir combler ce manque. Et voilà, nous, en saison des pluies, on peut quand même produire ». (Maraîcher, 30 35 ans). Notons néanmoins que l’installation d’une serre représente un investissement que tou‧tes ne sont pas en mesure de couvrir. Le capital financier dont dispose l’agriculteur‧ice en question peut de ce fait agir comme condition limitante à la mise en place d’une telle solution.

 

Conclusion

Outre l’exemple présenté ci-dessus, l’étude menée à Taravo a permis de mettre en avant des ressources a priori couramment mobilisées telles que la famille ou encore, pour une minorité d’agriculteur‧ices, les groupes spécialisés. Ces ressources permettent parfois la modification de pratiques agricoles pour pallier diverses contraintes.

Par exemple, la contrainte économique pousse certain‧es producteur‧ices de taro à délaisser les pratiques culturales de leurs aïeux (mobilisation du calendrier lunaire, utilisation d’outils mécaniques) au profit de méthodes moins énergivores et chronophages permettant ainsi la rentabilité de la culture. La contrainte économique n’est pas seule à peser sur l’agriculture. En effet, bien que les phénomènes atmosphériques extrêmes ne soient pas au cœur des discours et préoccupations des agriculteur‧ices, leurs impacts sont réels et constatés.

Il est clair que les agriculteur‧ices mettent en place diverses stratégies et tactiques permettant de pallier, du moins d’atténuer, certains impacts des phénomènes atmosphériques extrêmes. L’adoption de nouvelles pratiques est cependant conditionnée par divers facteurs dont le facteur économique qui freine les investissements matériels possibles. Enfin, notons qu’il s’agit bien de l’ensemble des pratiques des agriculteur‧ices qui permet d’atténuer les effets des phénomènes atmosphériques.

Analyser les modalités d’adaptation de ces pratiques dans le cadre de ce mémoire permet de nourrir le projet CLIPSSA, qui a vocation, dans les étapes suivantes, à co-construire avec les politiques publiques locales des stratégies d’accompagnement à l’adaptation au changement climatique, en se basant à la fois sur les simulations climatiques en cours et sur les connaissances locales.

Retrouvez le mémoire de Marie-Amélie Richez ainsi que sa présentation en suivant ces liens.

Intégration des jeunes dans les processus de consultations et d’élaboration de la stratégie d’adaptation au changement climatique en Nouvelle-Calédonie

Stage à temps partiel réalisé par Ilona Da Cruz Gerngross

 

Université de Nouvelle-Calédonie

Avril à Juin 2024

Encadrante : Fleur Vallet (IRD)

L’objet de ce stage était d’analyser et proposer des pistes d’amélioration pour l’intégration des jeunes dans les processus de consultations et d’élaboration de la stratégie pays d’adaptation au changement climatique en Nouvelle-Calédonie.

Cette étude traite dans un premier temps du contexte local du changement climatique, du contexte politique dans ce domaine, puis de la place des jeunes à la fois dans les enjeux climatiques et dans la société néo-calédonienne.

 

Contexte

 

La question du changement climatique occupe désormais une place centrale dans les débats mondiaux, engageant des réflexions sur son impact multidimensionnel. Les jeunes sont encore souvent exclus des débats publics, perçus comme manquant de connaissances, de la réflexion, de l’expérience ou des idées nécessaires pour jouer un rôle légitime en société. Cependant, leur intégration revêt des enjeux cruciaux, les jeunes étant à la fois les plus exposés aux changements climatiques futurs et les leaders de demain, avec des vulnérabilités et forces diverses qu’il est important de considérer pour soutenir une adaptation juste et pertinente.

 

Dans le cadre international autour de l’adaptation au changement climatique, les pays élaborent des stratégies pour répondre de manière ciblée à des besoins d’adaptation pensés pour le contexte local. Située dans le Pacifique Sud, une région où les vulnérabilités au changement climatique sont exacerbées par des facteurs géographiques et socio-économiques, la Nouvelle-Calédonie est menacée par des conséquences qui demeurent sur certains points insuffisamment connues, tant par l’ensemble de la population que par la communauté scientifique.

Dans le contexte complexe de la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie a souhaité l’élaboration d’une Stratégie d’adaptation au changement climatique, pour guider à l’échelle du territoire les actions d’adaptation qui pourront être déclinées à travers un plan d’adaptation au changement climatique. Cette initiative nécessite une coordination entre les acteurs gouvernementaux, scientifiques, secteur privé et les citoyens.

 

Intégrer les jeunes dans l’adaptation au changement climatique en Nouvelle-Calédonie

 

Pour cette étude il a fallu effectuer une revue bibliographique à l’échelle mondiale, un état des lieux sur la place des jeunes en Nouvelle-Calédonie et l’identification d’acteurs au potentiel pertinent pour soutenir l’intégration des jeunes.

 

D’une part, la revue bibliographique a montré que dans le Pacifique, de nombreuses actions ont permis aux jeunes de participer aux stratégies d’adaptation, notamment aux Îles Marshall, au Vanuatu et aux Îles Fidji notamment avec des projets éducatifs, de formation et de développement de capacités, des initiatives d’adaptation et de sensibilisation ou alors la formation de jeunes qui deviennent leaders communautaires.

Les Maldives, Madagascar et le Costa Rica mettent en place aussi des programmes éducatifs et des consultations publiques, des campagnes de nettoyage des plages, une inclusion des jeunes dans leurs efforts d’automatisation climatique et d’égalité des sexes.

 

La Nouvelle-Calédonie a déjà mis en place plusieurs plans notamment le plan jeunesse qui vise à structurer les politiques de jeunesse, favoriser l’autonomie, la responsabilité des jeunes et promouvoir leur reconnaissance sociale.

 

De plus, il est important d’identifier les différents acteurs clés de ce domaine pour assurer l’intégration réussie des jeunes dans les processus d’adaptation : acteurs politiques, organisations de la société civile, centres de recherche, secteur privé, organismes internationaux, bailleurs de fonds, plateformes et initiatives existantes.

 

Études de cas : les étudiants de l’Université de la Nouvelle-Calédonie

 

Un sondage a été effectué, et complété  par des revues bibliographiques, sur les élèves de l’Université de Nouvelle-Calédonie. En résumé, les niveaux de connaissance et d’implication personnelle des étudiants dans les enjeux climatiques locaux sont fortement variables d’un individu sondé à l’autre, ce qui démontre une hétérogénéité de la jeunesse, mais aussi d’un manque d’éducation et de sensibilisation spécifique et adapté à ce niveau d’après le ressenti des étudiants. Finalement, cette étude est une première approche exploratoire du rapport des étudiants au changement climatique.

Recommandations pour l’intégration des jeunes dans le développement de la Stratégie Pays d’Adaptation au changement climatique :

Des suggestions ont été formulées pour le plan d’Adaptation à partir de revues bibliographiques, de commentaires des étudiants et d’observations personnelles sur le terrain. On peut retrouver les objectifs et avantages de ces suggestion et les conditions de réussite.

–        Créer un Conseil des jeunes pour le Climat

–        Mettre en réseau les acteurs qui travaillent avec et pour la jeunesse

–        Renforcer l’éducation climatique et la sensibilisation des jeunes

–        Créer et/ou amplifier des événements attractifs sur les enjeux climatiques

–   Développer des opportunités d’engagement et d’actions pour les jeunes (Intégrer les jeunes comme acteurs proactifs dans la société, bénéficier de l’énergie et des compétences des jeunes pour générer des changements vertueux, créer une synergie d’engagement : plus il y aura des jeunes, plus l’engagement se développera)

–    Communiquer de manière efficace et ciblée (Rendre disponible l’information pour les jeunes et améliorer leur capacité à se saisir des enjeux)

En conclusion, la participation des étudiants de l’Université de la Nouvelle-Calédonie et des jeunes en général revêt une importance capitale dans la construction d’un avenir résilient face aux défis climatiques en Nouvelle-Calédonie. L’engagement, la créativité et les visions novatrices des jeunes sont des atouts précieux pour identifier des solutions efficaces et adaptées aux réalités locales.

 

Si vous voulez en savoir plus, retrouvez ici son mémoire, rapport ainsi que sa présentation !

( il faut clic droit et copier le lien pour ensuite l’ouvrir dans un nouvel onglet, veuillez nous excusez pour ces manipulations supplémentaires)

 

Stage de 5 à 6 mois – Sciences humaines et sociales CLIPSSA

A vos CVs ! CLIPSSA propose un stage gratifié d’une durée de 5 à 6 mois sur l’impact du changement climatique sur les systèmes agricoles en Nouvelle-Calédonie/Vanuatu et en Polynésie française/Wallis-et-Futuna.

La date limite de candidature est fixée au 30 janvier 2025.

Offre de stage IRD CLIPSSA VF