Dans le cadre du projet Climat du Pacifique, Savoirs Locaux et Stratégies d’Adaptation (CLIPSSA), les chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) se sont déployés sur le terrain dans les quatre pays et territoires concernés : Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Vanuatu. Objectifs : documenter et rendre compte des savoirs agricoles locaux, ainsi que leur dynamique d’ajustement face aux défis du changement climatique.
Quelques chiffres clés
A ce jour, les équipes SHS ont réalisé plusieurs centaines d’entretiens dans les différents sites étudiés :
- Nouvelle-Calédonie (La Foa, Canala et Maré) : 89 agriculteurs, 11 acteurs institutionnels et politiques ;
- Vanuatu (Espiritu Santo et Efate) : 43 agriculteurs, 12 acteurs institutionnels et politiques
- Polynésie française (Tahiti et Moorea) : 57 agriculteurs, 3 transformateurs, 36 acteurs institutionnels, 10 chercheurs
- Wallis-et-Futuna (Futuna et Alo) : 25 agriculteurs, 10 acteurs institutionnels
Trois mois de terrain en Polynésie française au premier semestre 2025
D’avril à juillet 2025, le postdoctorant modélisateur Dakéga RAGATOA (en charge de la Polynésie française et Wallis-et-Futuna) et l’ingénieure de projet Fleur VALLET ont accompagné l’équipe SHS sur le terrain, composée de Maya LECLERCQ (anthropologue postdoctorante), Chloé DELBOVE et Moeana PENLAE (stagiaires en SHS).
Rencontres institutionnelles et restitutions intermédiaires
Sur les îles de Tahiti et Moorea, les chercheurs et chercheuses ont échangé avec la Chambre de l’Agriculture et de la Pêche Lagonaire (CAPL), la Direction de l’Agriculture (DAG), le CRIOBE, les cabinets AgroDev et Pae Tai Pae Uta (PTPU), ainsi qu’avec le lycée agricole d’Opunohu et les porteurs du projet “Taro ITE”, soutenu par l’initiative KIWA.
- Dakega Ragatoa à la CAPL, Tahiti, 04/2025, ©Fleur Vallet
- Dakega Ragatoa à la CAPL, Tahiti, 04/2025, ©Fleur Vallet
- Equipe CLIPSSA au CRIOBE, Polynésie française, 04/2025, ©Fleur Vallet
- Equipe CLIPSSA à la Direction interrégionale de Météo-France en Polynésie française, Polynésie française, 04/2025, ©Fleur Vallet
Restitution publique à l’Université de Polynésie française
Le 22 avril, un séminaire à la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique (MSHP) a permis à Maya et Dakéga de présenter les méthodologies et premiers résultats du projet. Cette restitution publique s’inscrit dans une démarche de vulgarisation scientifique et d’implication des acteurs locaux. L’événement a réuni l’agence AFD en Polynésie française, des représentants associatifs, des étudiants et des chercheurs. Une seconde restitution a également eu lieu au lycée Saint Joseph de Punaauia, où Dakéga a présenté le modèle agroclimatique APSIMX, utilisé pour simuler les effets futurs du climat sur les cultures, notamment les tubercules (igname, taro, manioc…) du Pacifique.
- Séminaire à l’UPF, Polynésie française, 04/2025, ©Maya Leclercq
- Séminaire à l’UPF, Polynésie française, 04/2025, ©Jean Yves Meyer
Retrouvez ici l’enregistrement intégral du séminaire.
Pour en savoir plus : Du savoir local à la simulation : une approche intégrée pour anticiper les impacts climatiques sur les tubercules du Pacifique
A la rencontre des acteurs de terrain
Maya, anthropologue chargée de la coordination des enquêtes de terrain en Polynésie française, a encadré, avec le soutien de Catherine SABINOT, anthropologue à l’IRD et coordinatrice scientifique de CLIPSSA, les enquêtes de terrain auprès des agriculteurs menées par Chloé et Moeana. Elles réalisent leur stage de fin d’étude au sein du projet CLIPSSA, dans le cadre de leur Master, au Muséum National d’Histoire Naturelle pour Chloé, et à l’Université de Polynésie française pour Moeana. Elles ont toutes deux passé plusieurs semaines auprès des agriculteurs, à Moorea pour Moeana et sur la presqu’île de Tahiti pour Chloé, afin de mieux comprendre leurs pratiques et stratégies d’adaptation pour faire face aux impacts du changement climatique. Elles ont ainsi complété les résultats produits en 2024 par Maya et Marie-Amélie RICHEZ.
Par ailleurs, cette mission s’est clôturée par l’organisation de plusieurs ateliers-restitutions auprès des publics de l’enquête : les futurs agriculteurs en formation BTSA du lycée agricole de Moorea, les agriculteurs de Moorea, et ceux de la presqu’il de Tahiti rencontrés.
Pour en savoir plus : Restitution des travaux scientifiques de CLIPSSA au Lycée Agricole d’Opunohu, Moorea
Trois mois de terrain à Vanuatu au premier semestre 2025
En parallèle, Samson JEAN MARIE, doctorant en anthropologie et géographie et Ida PALENE, stagiaire de l’ISTOM, ont réalisé six mois d’enquêtes cumulées en immersion à Efate et Espiritu Santo. Catherine SABINOT les a accompagnés durant deux semaines. De plus, en avril Gildas GUIDIGAN, postdoctorant modélisateur, a rejoint l’équipe durant 3 semaines afin d’appréhender le terrain et rencontrer les acteurs institutionnels disposant de données agricoles.
Rencontres institutionnelles et scientifiques
Afin d’assurer la bonne collaboration avec les institutions de chaque territoire, de nombreuses rencontres ont été organisées.
A Efate, ils ont échangé avec le Vanuatu Meteorology and Geohazards Department (VMGD), le Department of Agricultural and Rural Development (DARD), ainsi que des représentants du projet Van-KIRAP (Vanuatu Klaemet Infomesen blong Redy, Adapt mo Protekt), qui vise à renforcer la résilience pays face aux effets des changements climatiques.
Sur l’île d’Espiritu Santo, une visite de travail à Vanuatu Agriculture Reserach and Training Center (VARTC) a été organisée par Marie Vianney MELTERAS, directrice de recherche du centre, également point focal pour le projet CLIPSSA au Vanuatu.
- Présentation au VMGD, 04/2025, ©Gildas Guidigan
- Présentation au Vanuatu Agricultural Department, 04/2025, ©Gildas Guidigan
Une ethnographie des savoirs agricoles
Samson et Ida ont partagé pendant plusieurs semaines le quotidien des communautés agricoles rurales, de Santo et d’Efate. Dans les foyers, les champs, les marchés, les sentiers forestiers ou les rivières, les deux jeunes chercheurs ont multiplié les rencontres : avec des anciens, des jeunes, des femmes et des hommes, mais aussi avec des acteurs institutionnels et coutumiers. Loin d’une approche distante, ils ont choisi une méthode immersive fondée sur l’observation participante, le dialogue et l’écoute attentive. Accompagnés ponctuellement durant leur séjour par Catherine, ils ont mobilisé un éventail de méthodes : entretiens semi-directifs (individuels et collectifs), observations participantes, ateliers débats, et relevés géoréférencés de champs et des lieux de partage de savoirs.
Des systèmes agricoles en constantes adaptation
Leur enquête révèle un large éventail de stratégies d’adaptation mises en œuvre par les familles agricoles : diversification des parcelles, rotations culturales, maintien de systèmes d’irrigation traditionnels, mise en culture de zones plus reculées…
Alors que Samson inscrit ce travail dans sa thèse sur les savoirs locaux et les capacités d’adaptation, Ida a porté une attention particulière au rôle des femmes, souvent invisibilisées malgré leur place centrale dans les activités du champ, de la préservation et de partage des semences.
Au retour de terrain, les deux jeunes chercheurs ne rapportent pas seulement des données dans leurs carnets : ils reviennent aussi enrichis d’une langue qu’ils harem save (comprennent) et toktok (parlent) désormais, le bislama. Témoignage vivant de leur immersion et de la relation tissée avec les communautés rencontrées.
- Equipe CLIPSSA sur le terrain, Vanuatu, 04/2025, ©Samson Jean Marie
- Equipe CLIPSSA sur le terrain, Vanuatu, 04/2025, ©Samson Jean Marie
- Equipe CLIPSSA sur le terrain, Vanuatu, 04/2025, ©Ida Palene
CLIPSSA, entre fourche, fourneau et prévisions climatiques
Dans le cadre de leurs enquêtes de terrain, les chercheurs s’imprègnent aussi au mieux de la transformation des denrées étudiées dans CLIPSSA. Du laplap vanuatais au Nalot, repas traditionnel des îles de l’archipel, en passant par les ateliers de lait de coco à Taravao en Polynésie française, les équipes se sont plongées dans les cultures culinaires de leurs hôtes.
Ces activités font écho et s’inscrivent dans le sillage de l’enjeu de la souveraineté alimentaire des îles du Pacifique, en toile de fond du projet CLIPSSA.
- Préparation du Nalot, Vanuatu, 04/2025, ©Ida Palene
- Préparation du bougna vanuatais, Vanuatu, 04/2025, ©Ida Palene
- Préparation du bougna vanuatais, Vanuatu, 04/2025, ©Ida Palene
Pour aller plus loin : consultez les prochains articles d’actualités sur les rapports de stage en sciences humaines et sociales.