La conférence C’nature : quel futur climat pour la Nouvelle-Calédonie ?
Christophe Menkès et Alexandre Peltier, respectivement climatologue et co-coordonnateur de CLIPSSA ; et météorologiste responsable climat à la direction interrégionale de Météo-France en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, ont présenté leur travail au public avec beaucoup de pédagogie lors de la conférence C’nature du 1er avril 2025. Cette conférence organisée à l’auditorium de la Province Sud par le CRESICA a réuni 110 participants.
Christophe Menkès à la conférence C’nature, 01/04/2025, © Cléophée Montizon
Le climat passé en Nouvelle-Calédonie
Alexandre Peltier a présenté au public les méthodes de mesure des évolutions climatiques récentes en Nouvelle-Calédonie. Chaque jour, les météorologues contrôlent les relevés des stations de mesures de températures et de précipitations. Pour suivre l’évolution du climat, sur le long terme, il est nécessaire de disposer de données historiques. L’analyse de ces données démontre une hausse moyenne du climat calédonien de 1,3°C depuis 1965, ainsi qu’une augmentation de la fréquence des épisodes de vagues de fortes chaleur.
Les précipitations, elles, varient sous l’effet de l’oscillation entre El Nino et La Nina, déterminante pour cette zone du Pacifique. En revanche, durant l’hiver austral, on remarque une diminution de ces précipitations de 11 millimètres par décennie entre 1955 et 2024.
En ce qui concerne l’activité cyclonique, il n’est pas possible d’établir de tendance significative pour le territoire de Nouvelle-Calédonie, du fait de l’absence de données historiques homogènes. Si ces données pourraient permettre d’observer l’évolution de ces phénomènes, les nombreuses avancées techniques ayant amélioré leur suivi au cours de la seconde moitié du 20e siècle rendent les informations à disposition trop hétérogènes.
Le climat futur en Nouvelle-Calédonie
Christophe Menkès a ensuite présenté les évolutions du climat attendues dans le futur.
Le rapport du GIEC de 2022 montre une augmentation de la température de 1,4°C sur l’ensemble de la planète depuis la période 1850-1900. Pour simuler cette évolution climatique, de nombreux modèles de climat existent. A partir des données passées et présentes, les modèles projettent l’évolution des températures futures sur la planète, de 2015 à 2100. Ils fournissent aux climatologues un intervalle d’incertitude, un faisceau de possibilités futures. Il existe différents scénarios d’évolution, déterminés en fonction de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre estimée.
Après une explication précise du fonctionnement des simulations climatiques du GIEC, le co-coordonnateur du projet CLIPSSA a pointé leur manque de précision quant aux zones insulaires comme la Nouvelle-Calédonie. En effet, CLIPSSA permet de simuler les impacts des changements climatiques, loin d’être uniformes à l’échelle du globe, sur ce petit territoire, ainsi qu’au Vanuatu, Wallis-et-Futuna et en Polynésie française.
Pour ce faire, il s’agit de régionaliser les modèles de climat, à savoir de les adapter à l’échelle de ces territoires. La plus fine échelle utilisée sera de 2,5 kilomètres, et permettra d’examiner le devenir des précipitations, des températures et des cyclones. Pour qu’une simulation climatique soit fiable, les chercheurs l’inscrivent dans un ensemble de 14 simulations. Cet ensemble prévoit une augmentation de la température en Nouvelle-Calédonie située entre +2,2°C et +3,5°C, avec une moyenne de +3°C, en 2100, et ce par rapport à la période 1981-2010.
Retrouvez la présentation en intégralité ci-dessous.
Pacifique en transition : regards croisés sur le climat
Quand les sciences humaines et sociales et les sciences du climat se rencontrent pour penser l’avenir de la production agricole dans le Pacifique Sud
Dans un contexte de bouleversements climatiques, les pratiques agricoles du Pacifique sont confrontées à de profondes mutations. La variabilité accrue du climat et les événements extrêmes, tels que les fortes pluies et les fortes sécheresses, mettent à rude épreuve les systèmes agroalimentaires locaux. Ces changements soulèvent des interrogations essentielles sur l’adaptation, la résilience et la transmission des savoirs agricoles. Pour médiatiser ces problématiques et rendre accessible leurs implications scientifiques, le projet CLIPSSA a réuni plus de 120 personnes dans l’auditorium de la Communauté du Pacifique Sud (CPS) à Nouméa, lors d’une soirée de médiation scientifique. Différents regards et témoignages se sont croisés autour des impacts des changements climatiques sur les territoires du Pacifique Sud.
Soirée Pacifique en transition, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Jean Michel Boré
Des voix jeunes et engagées pour le climat
La soirée a débuté par une restitution émouvante : le ressenti de la jeunesse calédonienne face au changement climatique. Au travers de dessins, les élèves de CM2 de l’école Marie Havet à Ouémo, de l’école Yvonne Lacourt de La Foa et du groupe scolaire de Thio ont partagé leur vision des changements climatiques. Une vidéo de présentation du projet a été diffusée. Cette séquence à mis en lumière une perception intergénérationnelle qui oscille entre espoirs et inquiétudes.
« Il est essentiel que nous soyons impliqués dans les décisions qui concernent notre futur. (…) Nous voulons participer activement à l’élaboration des solutions » Dylan Leconte
Dans le sillage de cette ouverture, deux jeunes engagés pour la défense de leur patrimoine environnemental ont pris la parole avec éloquence. Leurs performances oratoires sont le reflet d’un attachement profond à leur territoire. Georgina Sioremu, étudiante en Bachelor de design graphique et web à l’École du Design de Nouméa, et Dylan Leconte, étudiant en classe préparatoire économique et commerciale au Lycée Dick Ukeiwe, ont affirmé leur volonté de s’impliquer dans les dynamiques de transformations sociales et climatiques, de s’inscrire dans une mouvance de transmission et de partage.
« Je ne peux plus regarder ailleurs, ma mission m’attend de pied ferme. » (…) « Toutes et tous nous voyons les changements. » Georgina Sioremu
Georgina et Dylan devant l’affiche de la soirée, hall de la CPS, 26/03/2025, © Maeva Tesan
Revivez leur prestation grâce à la captation vidéo et retrouvez leur texte en annexe de cet article.
Croiser les disciplines pour mieux comprendre la réalité climatique
Un panel de chercheurs en sciences sociales et en climatologie est ensuite intervenu pour partager les travaux menés au sein de CLIPSSA.
À travers un dialogue riche, Dakéga Ragatoa, postdoctorant modélisateur des impacts des changements climatiques sur l’agriculture et l’eau à l’IRD, et Jérémy Guerbette, ingénieur d’études à Météo-France à la Direction interrégionale de Polynésie Française, ont mis en lumière leurs rôles respectifs dans CLIPSSA et leurs premiers résultats.
En effet, les simulations climatiques montrent les évolutions futures possibles de plusieurs variables, par exemple la température, le vent et les précipitations. Les modélisateurs peuvent par la suite simuler la réponse des plantes et des cultures agricoles face à ces changements.
Les panélistes lors de la soirée, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Jean Michel Boré
Côté sciences humaines et sociales, Maya Leclercq, anthropologue postdoctorante à l’IRD et Samson Jean Marie, doctorant en anthropologie et géographie à l’EDP-UNC (Ecole doctorale du Pacifique de l’Université de Nouvelle-Calédonie) et à l’IRD, ont présenté les stratégies d’adaptation développées par les communautés locales des quatre territoires.
Par exemple, certains cultivateurs d’ignames et de taro à Futuna varient les distances entre les plantations chaque année, afin d’observer les changements produits sur le rendement. D’une autre façon, au sud de l’île d’Espiritu Santo au Vanuatu, des agriculteurs accompagnent la plantation des soft yam (variété d’igname) de patates douces dans le même champ pour se prémunir des dégâts liés à d’éventuels cyclones. Les anthropologues ont évoqué les limites auxquelles se heurtent ces stratégies, mais aussi les ressources culturelles et sociales mobilisées pour faire face aux nouvelles contraintes climatiques.
Le projet CLIPSSA vise à transmettre ces analyses scientifiques aux institutions afin d’orienter les politiques publiques vers des plans d’adaptation nourris par les réalités de terrain.
En plus d’interagir directement avec les panélistes lors d’une séance de questions-réponses, le public a partagé son vécu quant aux pratiques agricoles. Les participants aux différents sondages ont fait part de leurs expériences liées aux aléas climatiques. A l’issue de la conférence, le public a déclaré se sentir “inspiré” et “plein d’espoir”.
Captures d’écran et photographies des sondages lors de la soirée, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Cléophée Montizon
La projection d’extraits du documentaire Un paradis en péril, réalisé en 2022 par Jacques-Olivier TROMPAS (JADA Productions) en coproduction avec l’IRD, a clôturé la soirée. L’équipe-projet CLIPSSA a participé au film par des interviews sur l’étude des impacts des changements climatiques et la transmission des résultats scientifiques aux politiques publiques et aux collectivités.
Vers un futur partagé
En croisant regards scientifiques et témoignages citoyens, Pacifique en transition a permis de mieux comprendre les multiples facettes des défis climatiques dans la région. Un événement qui, au-delà de la sensibilisation, ouvre des perspectives de dialogue et de coopération entre chercheurs, citoyens et institutions, pour construire ensemble des réponses durables, résilientes et ancrées dans les réalités locales.
Les intervenants de la soirée devant l’affiche, hall de la CPS, 26/03/2025, © Maeva Tesan
Cette soirée est à revivre intégralement via la captation ci-dessous.
Annexes :
Quel futur climat pour la Nouvelle Calédonie ?
Pacifique en transition : regards croisés sur le climat
- Lien de la captation de la soirée de médiation
- Support de présentation de la soirée
- Texte de Dylan Leconte FR – ENG
- Texte de Georgina Sioremu FR – ENG