Les équipes scientifiques CLIPSSA sur le terrain

Dans le cadre du projet Climat du Pacifique, Savoirs Locaux et Stratégies d’Adaptation (CLIPSSA), les chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) se sont déployés sur le terrain dans les quatre pays et territoires concernés : Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Vanuatu. Objectifs : documenter et rendre compte des savoirs agricoles locaux, ainsi que leur dynamique d’ajustement face aux défis du changement climatique.

 

Quelques chiffres clés

A ce jour,  les équipes SHS ont réalisé plusieurs centaines d’entretiens dans les différents sites étudiés :

  • Nouvelle-Calédonie (La Foa, Canala et Maré) : 89 agriculteurs, 11 acteurs institutionnels et politiques ; 
  • Vanuatu (Espiritu Santo et Efate) : 43 agriculteurs, 12 acteurs institutionnels et politiques
  • Polynésie française (Tahiti et Moorea) :  57 agriculteurs, 3 transformateurs, 36 acteurs institutionnels, 10 chercheurs
  •  Wallis-et-Futuna (Futuna et Alo) : 25 agriculteurs, 10 acteurs institutionnels

 

Trois mois de terrain en Polynésie française au premier semestre 2025

D’avril à juillet 2025, le postdoctorant modélisateur Dakéga RAGATOA (en charge de la Polynésie française et Wallis-et-Futuna) et l’ingénieure de projet Fleur VALLET ont accompagné l’équipe SHS sur le terrain, composée de Maya LECLERCQ (anthropologue postdoctorante), Chloé DELBOVE et Moeana PENLAE (stagiaires en SHS).

 

Rencontres institutionnelles et restitutions intermédiaires

Sur les îles de Tahiti et Moorea,  les chercheurs et chercheuses ont échangé avec  la Chambre de l’Agriculture et de la Pêche Lagonaire (CAPL), la Direction de l’Agriculture (DAG), le CRIOBE, les cabinets AgroDev et Pae Tai Pae Uta (PTPU), ainsi qu’avec le lycée agricole d’Opunohu et les porteurs du projet “Taro ITE”, soutenu par l’initiative KIWA.

Restitution publique à l’Université de Polynésie française

Le 22 avril, un séminaire à la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique (MSHP) a permis à Maya et Dakéga de présenter les méthodologies et premiers résultats du projet. Cette restitution publique s’inscrit dans une démarche de vulgarisation scientifique et d’implication des acteurs locaux. L’événement a réuni l’agence AFD en Polynésie française, des représentants associatifs, des étudiants et des chercheurs. Une seconde restitution a également eu lieu au lycée Saint Joseph de Punaauia, où Dakéga a présenté le modèle agroclimatique APSIMX, utilisé pour simuler les effets futurs du climat sur les cultures, notamment les tubercules (igname, taro, manioc…) du Pacifique.

Retrouvez ici l’enregistrement intégral du séminaire.

Pour en savoir plus : Du savoir local à la simulation : une approche intégrée pour anticiper les impacts climatiques sur les tubercules du Pacifique

 

A la rencontre des acteurs de terrain

Maya, anthropologue chargée de la coordination des enquêtes de terrain en Polynésie française, a encadré, avec le soutien de Catherine SABINOT, anthropologue à l’IRD et coordinatrice scientifique de CLIPSSA, les enquêtes de terrain auprès des agriculteurs menées par Chloé et Moeana. Elles réalisent leur stage de fin d’étude au sein du projet CLIPSSA, dans le cadre de leur Master, au Muséum National d’Histoire Naturelle pour Chloé, et à l’Université de Polynésie française pour Moeana. Elles ont toutes deux passé plusieurs semaines auprès des agriculteurs, à Moorea pour Moeana et sur la presqu’île de Tahiti pour Chloé, afin de mieux comprendre leurs pratiques et stratégies d’adaptation pour faire face aux impacts du changement climatique. Elles ont ainsi complété les résultats produits en 2024 par Maya et Marie-Amélie RICHEZ. 

Par ailleurs, cette mission s’est clôturée par l’organisation de plusieurs ateliers-restitutions auprès des publics de l’enquête : les futurs agriculteurs en formation BTSA du lycée agricole de Moorea, les agriculteurs de Moorea, et ceux de la presqu’il de Tahiti rencontrés.

Pour en savoir plus : Restitution des travaux scientifiques de CLIPSSA au Lycée Agricole d’Opunohu, Moorea

 

 

Trois mois de terrain à Vanuatu au premier semestre 2025

En parallèle, Samson JEAN MARIE, doctorant en anthropologie et géographie et Ida PALENE, stagiaire de l’ISTOM, ont réalisé six mois d’enquêtes cumulées en immersion à Efate et Espiritu Santo. Catherine SABINOT les a accompagnés durant deux semaines. De plus, en avril Gildas GUIDIGAN, postdoctorant modélisateur, a rejoint l’équipe durant 3 semaines afin d’appréhender le terrain et rencontrer les acteurs institutionnels disposant de données agricoles.

Rencontres institutionnelles et scientifiques

Afin d’assurer la bonne collaboration avec les institutions de chaque territoire, de nombreuses rencontres ont été organisées. 

A Efate, ils ont échangé avec le Vanuatu Meteorology and Geohazards Department (VMGD), le Department of Agricultural and Rural Development (DARD), ainsi que des représentants du projet Van-KIRAP (Vanuatu Klaemet Infomesen blong Redy, Adapt mo Protekt), qui vise à renforcer la résilience pays face aux effets des changements climatiques. 

Sur l’île d’Espiritu Santo, une visite de travail à Vanuatu Agriculture Reserach and Training Center (VARTC) a été organisée par Marie Vianney MELTERAS, directrice de recherche du centre, également point focal pour le projet CLIPSSA au Vanuatu. 

Une ethnographie des savoirs agricoles

Samson et Ida ont partagé pendant plusieurs semaines le quotidien des communautés agricoles rurales, de Santo et d’Efate. Dans les foyers, les champs, les marchés, les sentiers forestiers ou les rivières, les deux jeunes chercheurs ont multiplié les rencontres : avec des anciens, des jeunes, des femmes et des hommes, mais aussi avec des acteurs institutionnels et coutumiers. Loin d’une approche distante, ils ont choisi une méthode immersive fondée sur l’observation participante, le dialogue et l’écoute attentive. Accompagnés ponctuellement durant leur séjour par Catherine, ils ont mobilisé un éventail de méthodes : entretiens semi-directifs (individuels et collectifs), observations participantes, ateliers débats, et relevés géoréférencés de champs et des lieux de partage de savoirs.

Des systèmes agricoles en constantes adaptation

Leur enquête révèle un large éventail de stratégies d’adaptation mises en œuvre par les familles agricoles : diversification des parcelles, rotations culturales, maintien de systèmes d’irrigation traditionnels, mise en culture de zones plus reculées…

Alors que Samson inscrit ce travail dans sa thèse sur les savoirs locaux et les capacités d’adaptation, Ida a porté une attention particulière au rôle des femmes, souvent invisibilisées malgré leur place centrale dans les activités du champ, de la préservation et de partage des semences.

Au retour de terrain, les deux jeunes chercheurs ne rapportent pas seulement des données dans leurs carnets : ils reviennent aussi enrichis d’une langue qu’ils harem save (comprennent) et toktok (parlent) désormais, le bislama. Témoignage vivant de leur immersion et de la relation tissée avec les communautés rencontrées.

 

 

 

CLIPSSA, entre fourche, fourneau et prévisions climatiques

Dans le cadre de leurs enquêtes de terrain, les chercheurs s’imprègnent aussi au mieux de la transformation des denrées étudiées dans CLIPSSA. Du laplap vanuatais au Nalot, repas traditionnel des îles de l’archipel, en passant par les ateliers de lait de coco à Taravao en Polynésie française, les équipes se sont plongées dans les cultures culinaires de leurs hôtes. 

Ces activités font écho et s’inscrivent dans le sillage de l’enjeu de la souveraineté alimentaire des îles du Pacifique, en toile de fond du projet CLIPSSA.

Pour aller plus loin : consultez les prochains articles d’actualités sur les rapports de stage en sciences humaines et sociales. 

Adaptation des pratiques agricoles et gestion de l’eau à Moorea : Transmission et évolution des savoirs locaux face au changement climatique – Stage de fin d’études réalisé par Moeana PENLAE

Stage de fin d’études réalisé par Moeana PENLAE 
Université de la Polynésie française – Master 2 Biodiversité, Écologie et Environnement parcours Environnements Insulaires Océaniens (BEE – EIO) 
Février – Juillet 2025 
Encadrantes : Maya LECLERCQ (IRD), Catherine SABINOT (IRD) 

Soutenance : le 17 juin 2025 à l’UPF en présence 4 professeurs/chercheurs en tant que jury, de Maya Leclercq et des élèves de la promotion avec l’équipe CLIPSSA de Nouméa en visio 

A participé à l’animation de 3 restitutions-ateliers à Tahiti et Moorea en juin et juillet 2025, réunissant des étudiants en formation agricole et des agriculteurs locaux rencontrés sur le terrain.  

Figure 1 : Photo d’une des restitutions-ateliers menée à Moorea auprès des étudiants en BTS Agricole et des stagiaires en Formation à l’Installation Agricole (FIA) au Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole (CFPPA) de Opunohu (Source : Maya Leclercq, juin 2025) 

 

Résumé de l’article 

Les territoires insulaires du Pacifique sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique, notamment en ce qui concerne l’agriculture à petite échelle, soumise à des aléas tels que l’irrégularité des pluies, les sécheresses et la fragilité des écosystèmes. Dans ce contexte, une bonne gestion de l’eau et la préservation des savoirs agricoles adaptés sont essentielles pour garantir la sécurité alimentaire. Cette étude, menée à Moorea dans le cadre du projet CLIPSSA, s’intéresse à la manière dont les agriculteurs s’adaptent aux défis environnementaux. Notre équipe a mené des entretiens, des observations de terrain et des ateliers participatifs, mettant en évidence une diversité de stratégies locales : utilisation d’indicateurs environnementaux traditionnels, techniques innovantes comme les systèmes de drainage ou le compostage. L’étude met en lumière deux grands types de savoirs agricoles : d’une part, les anciens savoirs transmis oralement ou par observation, comme les cycles lunaires (tarena) ou la phénologie des plantes ; d’autre part, des savoirs contemporains issus de pratiques modernes, transmis via les médias, les vidéos en ligne ou les formations. En effet, il existe des formes hybrides de transmission, où les connaissances circulent à travers des échanges entre pairs, les réseaux sociaux ou des dispositifs de formation mêlant pratiques empiriques et apports techniques. Toutefois, ces savoirs sont fragilisés par des contraintes socio-économiques comme le désintérêt de la jeunesse dans le secteur agricole ou encore les difficultés d’accès à la terre. Le travail met donc en évidence les fragilités de la transmission des savoirs agricoles, et souligne l’importance d’ancrer les politiques d’adaptation ancrées dans les réalités locales. 

 

Contexte de l’étude 

Les îles hautes comme Moorea sont particulièrement vulnérables au changement climatique : précipitations extrêmes, inondations, glissements de terrain, sécheresses prolongées. Ces aléas menacent la sécurité alimentaire locale et compliquent la gestion de l’eau, notamment pour les cultures sensibles comme le taro ou les cultures maraichères. Pour cette étude, le terrain d’enquête concerne une portion importante de l’île de Moorea qui comprend un lotissement agricole et le lycée agricole dans la vallée d’Opunohu et des vallées où est pratiquée l’agriculture vivrière.  

Figure 2 : Site de l’étude 

 

En plus des problématiques liées au climat, les agriculteurs doivent faire face à plusieurs contraintes sociales. La jeunesse se détourne souvent de l’agriculture, attirée par des emplois perçus comme plus valorisants. L’accès au foncier reste difficile, avec des terres partagées ou non sécurisées. Enfin, les savoirs anciens se perdent peu à peu avec le vieillissement des agriculteurs, dont l’âge moyen est de 49 ans (RGA 2023), menaçant la transmission des connaissances et la relève générationnelle. 

L’étude repose sur 18 entretiens semi-directifs réalisés de mi-avril à fin mai sur l’île de Moorea auprès des acteurs institutionnels (Direction de l’Agriculture (DAG), Chambre de l’Agriculture et de la Pêche Lagonaire (CAPL), etc.) et des agriculteurs, et des échanges informels avec des vendeurs de fruits et légumes en bord de route.  

Principaux résultats 

Les résultats mettent en lumière une diversité de pratiques d’adaptation qui témoignent à la fois d’un ancrage culturel fort et d’une grande capacité d’innovation : 

  • L’eau : un enjeu central
    En période de fortes pluies (décembre-janvier en Polynésie française), l’excès d’eau représente aujourd’hui un des principaux défis climatiques pour les agriculteurs de la vallée d’Opunohu, en particulier pour des cultures sensibles comme le taro, la banane ou la papaye qui souffrent de la saturation des sols. Dans certaines zones, des systèmes de drainage (caniveaux) ou de collecte d’eau de pluie ont été mis en place, parfois de façon artisanale. Toutefois, les ateliers menés auprès des agriculteurs ont montré que cette contrainte n’est pas partagée par tous : sur les terrains en pente, le ruissellement naturel permet d’évacuer l’eau plus facilement, limitant ainsi les risques d’engorgement. 

Figure 3 : Photo d’un caniveau creusé sur le terrain d’une agricultrice à Opunohu (Moorea) pour évacuer l’excès d’eau (Source : Moeana Penlae, juillet 2025) 

 

  • Choix des cultures selon le contexte local
    Les producteurs adaptent leurs choix à la topographie, à la qualité des sols et à l’accès à l’eau : bananiers en zones humides, agrumes sur les hauteurs, ananas en terrain sec. Certains diversifient leurs cultures pour réduire les risques. 
  • Des savoirs en constante hybridation
    Beaucoup d’agriculteurs continuent d’utiliser des repères traditionnels comme le tarena ou les signes de la nature (phénologie des plantes, apparition de certains insectes signifiant qu’il va pleuvoir, etc.). Ces repères sont combinés avec des sources modernes comme les tutoriels en ligne, les conseils de la DAG ou des formations agricoles (CFPPA). 
  • Un lien fort au territoire
    Le fa’a’apu est plus qu’un champ : c’est un lieu d’apprentissage, de mémoire et d’identité. Il incarne une relation sensible au fenua, un terme tahitien qui désigne généralement un pays, une terre ou un territoire. Il est souvent associé à tout ce qui touche au sol, à l’environnement ou à l’appartenance culturelle.  
  • Une transmission fragilisée
    Le savoir agricole a longtemps circulé traditionnellement par l’observation et la pratique entre générations. Aujourd’hui, cette transmission se perd, car les jeunes s’intéressent moins au secteur agricole, le métier d’agriculteur étant peu valorisé. 

 

Moins dépenser pour s’adapter

Dans un contexte de ressources limitées, les agriculteurs développent des solutions low-cost et autonomes, souvent en dehors des dispositifs institutionnels : 

  • Compost naturel à base de restes alimentaires, feuilles de bananier, déchets végétaux ou déchets de poisson, 
  • Bacs enterrés et bâches de récupération pour stocker l’eau de pluie, 
  • Culture en buttes ou en zones surélevées, pour lutter contre l’eau stagnante, 
  • Associations de cultures pour optimiser l’humidité du sol (ex : planter des bananiers autour des cultures) 

Il est constaté que pour faire face au changement climatique, de nombreux agriculteurs mettent en place des solutions simples et peu coûteuses, souvent fabriquées par eux-mêmes. En 1962, Claude Lévi-Strauss décrit le « bricoleur » comme une personne qui assemble de manière créative les matériaux dont elle dispose pour résoudre des problèmes, illustrant ainsi l’inventivité des pratiques à travers une pensée souple et débrouillarde. Ces pratiques traduisent aussi un certain isolement : faute d’accompagnement ciblé, l’adaptation repose sur les efforts individuels. 

 

Conclusion 

L’agriculture à Moorea est aujourd’hui traversée par plusieurs enjeux : climatiques, sociaux, institutionnels. Pourtant, les agriculteurs font preuve d’une résilience active en inventant de nouvelles manières de cultiver, d’apprendre et de transmettre. Cette résilience repose sur : 

  • Une connaissance fine du milieu, 
  • Une capacité à tester, ajuster, bricoler, 
  • Un attachement culturel fort au fenua, 
  • Et une volonté de faire perdurer un mode de vie lié à la terre. 

Pour renforcer cette dynamique, il est urgent de : 

  • Reconnaître les agriculteurs comme co-acteurs de l’adaptation, 
  • Soutenir les solutions plus modestes et innovations locales, 
  • Créer des espaces d’échange intergénérationnels, 
  • Inclure les savoirs locaux dans les politiques publiques climatiques. 

Cette recherche, bien qu’ancrée à Moorea, propose des enseignements pour d’autres territoires insulaires. Elle montre que les savoirs agricoles locaux ne sont pas des choses du passé, mais des ressources utiles pour construire un avenir plus solidaire, autonome et adapté au changement climatique. 

Clim’en Vers

Porté par l’IRD, Météo-France et l’AFD, le projet CLIPSSA (Climat du Pacifique, Savoirs locaux et Stratégies d’Adaptation), souhaite donner la parole à la jeune génération sur le changement climatique, en mêlant à la science l’art de l’écriture.
Le projet Clim’en Vers émane de cette volonté et a été conçu par Caroline AGIER, chargée d’affaires communication et numérique à la direction interrégionale de Météo-France en Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
Il a pour but d’accompagner des élèves dans la création de textes en rapport avec les changements climatiques et l’adaptation à ces derniers, ainsi que de les exposer lors d’évènements pertinents, sous forme de panneaux. 

 

La transmission des connaissances sur le changement climatique

Pour débuter ce projet, Thomas ABINUN, ingénieur chargé d’études météo et climat à la direction interrégionale de Météo-France en Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, et Myriam VENDÉ-LECLERC, chargée de la stratégie d’adaptation climat au gouvernement de Nouvelle-Calédonie, ont exposé aux élèves les grandes lignes concernant les changements climatiques globaux, ainsi que les différentes façons de s’y adapter. Le mardi 6 mai 2025, deux classes du Lycée Escoffier à Nouméa ont assisté à cette présentation, coordonnée par leur professeure de sciences, Mme BERTRAND.

Séance d’introduction sur les changements climatiques au lycée Escoffier, 06/05/2025, ©Cléophée MONTIZON

Le choix des mots clés, l’écriture et la déclamation 

Pour la deuxième étape, celle de l’écriture, la classe de secondes de sciences et technologies de l’hôtellerie et de la restauration (STHR) s’est appliquée durant deux heures lors du cours de français de Mr MAFFAY, le jeudi 22 mai. Cet atelier d’écriture, animé par Georgina SIOREMU, artiste et alternante communication et médiation scientifique dans l’équipe CLIPSSA, a permis aux élèves de créer des textes engagés et sincères, tout en aiguisant leur sens du rythme grâce à une récitation finale. Leurs productions originales résultent de quatre mises en situations différentes : 

  • Écris une lettre à un proche qui vit à l’autre bout de la terre et qui ne connaît pas encore, ou peu, l’impact que peuvent avoir les changements climatiques. Prévient le.
  • Tu habites en bord de rivière, à cause des fortes pluies ta maison a été inondée, tu as dû déménager en haut de la montagne, décris ton sentiment.
  • Connais-tu la métaphore du Colibri, s’il pouvait parler, que dirait-il aux Hommes ?
  • Tu retrouves un ancien tuteur de stage quelques années plus tard, il est restaurateur et il te parle de sa difficulté à trouver de la matière première, surtout en igname, patate douce et taro, à cause des fortes sécheresses et fortes pluies. Tu rentres chez toi et tu écris ton ressenti dans un journal.

Séance de travail au lycée Escoffier, mai-juillet 2025, ©Caroline AGIER

 

Lors des ateliers d’écritures suivants, le mercredi 2 juillet et le mercredi 9 juillet, les élèves ont incorporé des figures de style et amélioré les tournures de certaines phrases afin de les rendre plus percutantes. Chaque groupe est ensuite passé à l’oral pour s’entraîner à clamer leur texte. 

 

Pour la classe des premières, le jeudi 3 juillet, les élèves ont eu la surprise de découvrir un nouvel intervenant, le slameur local et international Simane, accompagné de l’influenceur et présentateur TV Astro, ainsi que Passil, organisateur du Urban Films Festival. Ces derniers leurs ont transmis les bases du slam, sa définition, les valeurs et objectifs de cet art oratoire. En se servant d’une liste de verbes et d’un nuage de mots autour du thème de “l’environnement”, il a ensuite créé un slam en quelques minutes. Pour finir, Simane a partagé aux élèves de nombreux conseils pour apprendre à clamer leurs textes et à les rythmer. Les élèves ont ensuite assisté à plusieurs démonstrations de slam, de la part des différents intervenants. La deuxième heure à été consacrée à un atelier de rédaction, animé par Georgina SIOREMU, dans le but de mettre en lien la future profession de ces élèves en hôtellerie-restauration avec le projet CLIPSSA.

Séance de travail au lycée Escoffier, 03/07/2025, ©Caroline AGIER

 

Plusieurs sujets ont été transmis aux élèves afin qu’ils puissent s’en inspirer : 

  • Le menu de demain, cuisine en temps de crise : imaginez un restaurant en 2050, confronté aux pénuries alimentaires dûes au changement climatique. Comment s’adapter ? Quelles nouvelles recettes ? Quelle créativité ? 
  • Le lycée submergé, chronique d’un lieu englouti : Racontez l’histoire d’un lycée hôtelier situé sur une côte menacée par la montée des eaux. Que deviennent ses employés, ses clients, son histoire ?
  • Le banquet de la dernière chance : Vous organisez un repas symbolique pour sensibiliser au changement climatique. Que servir ? Qui inviter ? Quelle ambiance ? 
  • Carnet de bord d’un apprenti éco-responsable : Vous suivez un apprenti qui apprend à cuisiner et à servir en réduisant son impact environnemental. Tri, circuits courts, énergies, éthique…
  • Un monde sans saison : Imaginez un monde où les saisons ont disparu. Qu’est-ce qui peut changer dans l’organisation d’un restaurant et dans la composition des plats ? 

 

Les jeunes slameurs sont donc passés par les différentes phases nécessaires à la création de textes, à savoir le développement d’idées, la recherche du vocabulaire, la rédaction avec rimes, et l’incorporation de figures de styles. Le vendredi 4 juillet, les premières ont terminé leurs textes et rédigé au propre, avant de clamer cette version finale à l’oral. 

Les créations des élèves de premières et terminales  ont été exposées lors du Forum Calédonien du Changement Climatique du 22 juillet, organisé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en partenariat avec l’UNC.

Exposition au Forum Calédonien du Changement Climatique, 22/07/2025, ©Caroline AGIER

 

Elles seront de nouveau mises en valeurs le 8 août, durant le Festival des Sciences-EDD organisé par le Vice-Rectorat et en octobre, lors de la Fête de la science organisé par le CRESICA.

Panneaux d’exposition Clim’en Vers, 07/2025, © Caroline Agier

Les écoliers néo-calédoniens s’impliquent dans le projet CLIPSSA

Au cours des dernières semaines, une classe de vingt élèves de CM2 de l’école primaire Marie Havet à Nouméa, accompagnée de leur enseignante Audrey Mazeron, sont devenus co-chercheurs à la croisée de trois projets de recherche : CLIPSSA, SOCPacific2R et MaHeWa sur les vagues de chaleur marines (WP3).

 

En dialogue avec des chercheurs impliqués dans les projets CLIPSSA et/ou MaHeWa (Catherine Sabinot, Elodie Fache, Annette Breckwoldt), des étudiants de l’Université de Nouvelle-Calédonie (Amandine Aiglehoux, Elijah Tenene, Reine Wadieno), Vanessa Montagnat de la Direction de l’enseignement pédagogique de Nouvelle-Calédonie, Florian Barthe de l’association Symbiose, et leur enseignante Audrey Mazeron, ces jeunes co-chercheurs ont défini deux consignes de dessin.

Ils ont ensuite proposé ces consignes aux autres CM2 de leur école, qu’ils ont également interrogés après la réalisation des dessins. L’analyse de ces créations a conduit ces jeunes co-chercheurs à ajuster leurs deux consignes, qui seront ensuite utilisées pour des ateliers de dessin dans les écoles primaires de La Foa et Thio :

  • Dessine ce qui pourrait arriver aux poissons et aux coraux, aux légumes et aux fruits, à cause du changement climatique.
  • Dessine ce que les pêcheurs et les agriculteurs peuvent faire pour avoir moins de problèmes même si la planète se réchauffe.

 

 

Les écoliers de La Foa et Thio, après avoir suivi les consignes données, ont à leur tour testé et ajusté une consigne de dessin axée sur les passes récifales, à laquelle les jeunes co-chercheurs de Nouméa ont répondu avec enthousiasme quelques jours plus tard en produisant chacun un dessin correspondant.

CLIPSSA à la rencontre du grand public

La conférence C’nature : quel futur climat pour la Nouvelle-Calédonie ? 

 

Christophe Menkès et Alexandre Peltier, respectivement climatologue et co-coordonnateur de CLIPSSA ; et météorologiste responsable climat à la direction interrégionale de Météo-France en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, ont présenté leur travail au public avec beaucoup de pédagogie lors de la conférence C’nature du 1er avril 2025. Cette conférence organisée à l’auditorium de la Province Sud par le CRESICA a réuni 110 participants.

Christophe Menkès à la conférence C’nature, 01/04/2025, © Cléophée Montizon

 

Le climat passé en Nouvelle-Calédonie 

Alexandre Peltier a présenté au public les méthodes de mesure des évolutions climatiques récentes en Nouvelle-Calédonie. Chaque jour, les météorologues contrôlent les relevés des stations de mesures de températures et de précipitations. Pour suivre l’évolution du climat, sur le long terme, il est nécessaire de disposer de données historiques. L’analyse de ces données démontre une hausse moyenne du climat calédonien de 1,3°C depuis 1965, ainsi qu’une augmentation de la fréquence des épisodes de vagues de fortes chaleur. 

Les précipitations, elles, varient sous l’effet de l’oscillation entre El Nino et La Nina, déterminante pour cette zone du Pacifique. En revanche, durant l’hiver austral, on remarque une diminution de ces précipitations de 11 millimètres par décennie entre 1955 et 2024.

En ce qui concerne l’activité cyclonique, il n’est pas possible d’établir de tendance significative pour le territoire de Nouvelle-Calédonie, du fait de l’absence de données historiques homogènes. Si ces données pourraient permettre d’observer l’évolution de ces phénomènes, les nombreuses avancées techniques ayant amélioré leur suivi au cours de la seconde moitié du 20e siècle rendent les informations à disposition trop hétérogènes.

 

Le climat futur en Nouvelle-Calédonie

Christophe Menkès a ensuite présenté les évolutions du climat attendues dans le futur

Le rapport du GIEC de 2022 montre une augmentation de la température de 1,4°C sur l’ensemble de la planète depuis la période 1850-1900. Pour simuler cette évolution climatique, de nombreux modèles de climat existent. A partir des données passées et présentes, les modèles projettent l’évolution des températures futures sur la planète, de 2015 à 2100. Ils fournissent aux climatologues un intervalle d’incertitude, un faisceau de possibilités futures. Il existe différents scénarios d’évolution, déterminés en fonction de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre estimée. 

Après une explication précise du fonctionnement des simulations climatiques du GIEC, le co-coordonnateur du projet CLIPSSA a pointé leur manque de précision quant aux zones insulaires comme la Nouvelle-Calédonie. En effet, CLIPSSA permet de simuler les impacts des changements climatiques, loin d’être uniformes à l’échelle du globe, sur ce petit territoire, ainsi qu’au Vanuatu, Wallis-et-Futuna et en Polynésie française. 

Pour ce faire, il s’agit de régionaliser les modèles de climat, à savoir de les adapter à l’échelle de ces territoires. La plus fine échelle utilisée sera de 2,5 kilomètres, et permettra d’examiner le devenir des précipitations, des températures et des cyclones. Pour qu’une simulation climatique soit fiable, les chercheurs l’inscrivent dans un ensemble de 14 simulations. Cet ensemble prévoit une augmentation de la température en Nouvelle-Calédonie située entre +2,2°C et +3,5°C, avec une moyenne de +3°C, en 2100, et ce par rapport à la période 1981-2010.

Retrouvez la présentation en intégralité ci-dessous.

 

Pacifique en transition : regards croisés sur le climat

 

Quand les sciences humaines et sociales et les sciences du climat se rencontrent pour penser l’avenir de la production agricole dans le Pacifique Sud

Dans un contexte de bouleversements climatiques, les pratiques agricoles du Pacifique sont confrontées à de profondes mutations. La variabilité accrue du climat et les événements extrêmes, tels que les fortes pluies et les fortes sécheresses, mettent à rude épreuve les systèmes agroalimentaires locaux. Ces changements soulèvent des interrogations essentielles sur l’adaptation, la résilience et la transmission des savoirs agricoles. Pour médiatiser ces problématiques et rendre accessible leurs implications scientifiques, le projet CLIPSSA a réuni plus de 120 personnes dans l’auditorium de la Communauté du Pacifique Sud (CPS) à Nouméa, lors d’une soirée de médiation scientifique. Différents regards et témoignages se sont croisés autour des impacts des changements climatiques sur les territoires du Pacifique Sud. 

Soirée Pacifique en transition, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Jean Michel Boré

 

Des voix jeunes et engagées pour le climat

La soirée a débuté par une restitution émouvante : le ressenti de la jeunesse  calédonienne face au changement climatique. Au travers de dessins, les élèves de CM2 de l’école Marie Havet à Ouémo, de l’école Yvonne Lacourt de La Foa et du groupe scolaire de Thio ont partagé leur vision des changements climatiques. Une vidéo de présentation du projet a été diffusée. Cette séquence à mis en lumière une perception intergénérationnelle qui oscille entre espoirs et inquiétudes. 

« Il est essentiel que nous soyons impliqués dans les décisions qui concernent notre futur. (…) Nous voulons participer activement à l’élaboration des solutions » Dylan Leconte

Dans le sillage de cette ouverture, deux jeunes engagés pour la défense de leur patrimoine environnemental ont pris la parole avec éloquence. Leurs performances oratoires sont le reflet d’un attachement profond à leur territoire. Georgina Sioremu, étudiante en Bachelor de design graphique et web à l’École du Design de Nouméa, et Dylan Leconte, étudiant en classe préparatoire économique et commerciale au Lycée Dick Ukeiwe, ont affirmé leur volonté de s’impliquer dans les dynamiques de transformations sociales et climatiques, de s’inscrire dans une mouvance de transmission et de partage. 

« Je ne peux plus regarder ailleurs, ma mission m’attend de pied ferme. » (…) « Toutes et tous nous voyons les changements. » Georgina Sioremu

 

Georgina et Dylan devant l’affiche de la soirée, hall de la CPS, 26/03/2025, © Maeva Tesan 

Revivez leur prestation grâce à la captation vidéo et retrouvez leur texte en annexe de cet article. 

 

Croiser les disciplines pour mieux comprendre la réalité climatique

Un panel de chercheurs en sciences sociales et en climatologie est ensuite intervenu pour partager les travaux menés au sein de CLIPSSA. 

À travers un dialogue riche, Dakéga Ragatoa, postdoctorant modélisateur des impacts des changements climatiques sur l’agriculture et l’eau à l’IRD, et Jérémy Guerbette, ingénieur d’études à Météo-France à la Direction interrégionale de Polynésie Française, ont mis en lumière leurs rôles respectifs dans CLIPSSA et leurs premiers résultats. 

En effet, les simulations climatiques montrent les évolutions futures possibles de plusieurs variables, par exemple la température, le vent et les précipitations. Les modélisateurs peuvent par la suite simuler la réponse des plantes et des cultures agricoles face à ces changements

Les panélistes lors de la soirée, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Jean Michel Boré 

 

Côté sciences humaines et sociales, Maya Leclercq, anthropologue postdoctorante à l’IRD et Samson Jean Marie, doctorant en anthropologie et géographie à l’EDP-UNC (Ecole doctorale du Pacifique de l’Université de Nouvelle-Calédonie) et à l’IRD, ont présenté les stratégies d’adaptation développées par les communautés locales des quatre territoires. 

Par exemple, certains cultivateurs d’ignames et de taro à Futuna varient les distances entre les plantations chaque année, afin d’observer les changements produits sur le rendement. D’une autre façon, au sud de l’île d’Espiritu Santo au Vanuatu, des agriculteurs accompagnent la plantation des soft yam (variété d’igname) de patates douces dans le même champ pour se prémunir des dégâts liés à d’éventuels cyclones. Les anthropologues ont évoqué les limites auxquelles se heurtent ces stratégies, mais aussi les ressources culturelles et sociales mobilisées pour faire face aux nouvelles contraintes climatiques

Le projet CLIPSSA vise à transmettre ces analyses scientifiques aux institutions afin d’orienter les politiques publiques vers des plans d’adaptation nourris par les réalités de terrain

 

En plus d’interagir directement avec les panélistes lors d’une séance de questions-réponses, le public a partagé son vécu quant aux pratiques agricoles. Les participants aux différents sondages ont fait part de leurs expériences liées aux aléas climatiques. A l’issue de la conférence, le public a déclaré se sentir “inspiré” et “plein d’espoir”

Captures d’écran et photographies des sondages lors de la soirée, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Cléophée Montizon

 

La projection d’extraits du documentaire Un paradis en péril, réalisé en 2022 par Jacques-Olivier TROMPAS (JADA Productions) en coproduction avec l’IRD, a clôturé la soirée. L’équipe-projet CLIPSSA a participé au film par des interviews sur l’étude des impacts des changements climatiques et la transmission des résultats scientifiques aux politiques publiques et aux collectivités. 

 

Vers un futur partagé

En croisant regards scientifiques et témoignages citoyens, Pacifique en transition a permis de mieux comprendre les multiples facettes des défis climatiques dans la région. Un événement qui, au-delà de la sensibilisation, ouvre des perspectives de dialogue et de coopération entre chercheurs, citoyens et institutions, pour construire ensemble des réponses durables, résilientes et ancrées dans les réalités locales

Les intervenants de la soirée devant l’affiche, hall de la CPS, 26/03/2025, © Maeva Tesan

Cette soirée est à revivre intégralement via la captation ci-dessous.

 

Annexes :

 

Quel futur climat pour la Nouvelle Calédonie ?

Pacifique en transition : regards croisés sur le climat

Retour sur la semaine CLIPSSA “Comprendre, vulgariser et communiquer sur le changement climatique”

Un évènement de grande ampleur pour rassembler toutes les parties prenantes 

A l’occasion du workshop scientifique et technique « Comprendre, vulgariser et communiquer sur le changement climatique », CLIPSSA a réuni de nombreux acteurs durant la semaine du 21 au 27 mars 2025, au centre IRD de Nouméa et à la Communauté du Pacifique Sud (CPS). 

L’IRD, Météo-France et l’Agence française de développement, en partenariat avec l’Institut agronomique calédonien (IAC), et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) étaient présents pour accueillir la direction de l’agriculture de Polynésie française, le service de l’agriculture et des pêches de Wallis-et-Futuna, ainsi que le conseil consultatif national (NAB), le ministère de l’agriculture et le département de météorologie et des géorisques (VMGD) du Vanuatu, mais aussi, pour la Nouvelle-Calédonie, le cabinet de Jérémie Katidjo Monnier, la Province Nord, la Province Sud, la Province des Iles, la direction des affaires vétérinaires alimentaires et rurales (DAVAR), la chambre d’agriculture et de la pêche, la direction des affaires sanitaires et sociales (DASS), l’ADECAL Technopole, Data Terra Océanie, Bio eKo consultants

Photo de groupe des participants, 25 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

Equipe CLIPSSA, 21 mars 2025, © IRD – Pascal Dumas

Des données inédites ont été présentées, permettant de nourrir la co-construction de solutions face à l’évolution du climat du Pacifique, entre scientifiques, politiques publiques et grand public.

 

Des échanges scientifiques favorisant la cohésion et la synergie 

Lors des journées scientifiques des vendredi 21 et lundi 24 mars au centre IRD de Nouméa, les chercheurs en sciences du climat et en sciences humaines et sociales se sont réunis afin de présenter leurs avancées et de favoriser l’interdisciplinarité

Journées scientifiques à l’IRD, 21 et 24 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

La communauté scientifique CLIPSSA a pu partager son travail ainsi que ses interrogations quant aux thématiques inhérentes au projet. Les invités ont assisté aux présentations des postdoctorants, ingénieurs et chercheurs en simulations climatiques concernant les modèles utilisés (ALADIN, modélisation à 20km et AROME, modélisation à 2,5km), ainsi que les tendances climatiques futures et leurs impacts sur l’agriculture et la gestion de la ressource en eau sur les quatre territoires concernés (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Wallis-et-Futuna et Polynésie française). 

 

Des ateliers collaboratifs pour accompagner et soutenir les politiques publiques

CLIPSSA a réuni les parties prenantes des quatre territoires pour permettre à la communauté scientifique et aux acteurs des politiques publiques de partager les objectifs d’adaptation aux impacts des changements climatiques, les besoins induits, et de s’aligner sur les solutions envisageables.

L’aire coutumière de Drubea-Kapumë et Jérémie Katidjo Monnier ont ouvert ces journées collaboratives lors de la coutume du mardi matin. Le membre du gouvernement en charge de la transition écologique a ensuite prononcé un discours de bienvenue, suivi du directeur de l’Agence française de développement en Nouvelle-Calédonie, Thomas de Gubernatis, et des coordonnateurs scientifiques du projet CLIPSSA, Christophe Menkès et Catherine Sabinot. 

Coutume et ateliers collaboratifs à la CPS, 25 et 26 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

L’INRAE a accompagné l’équipe CLIPSSA pour modéliser collectivement les processus de décision et d’action, aux niveaux des agriculteurs, des collectifs agricoles et des institutions compétentes, sur plusieurs échelles temporelles, et pour les quatre territoires concernés. Il s’agissait ensuite de réfléchir sur la vulnérabilité et les chemins d’adaptation des acteurs, puis de requalifier leurs besoins. C’est en regard de ces besoins et par rapport aux enjeux de vulnérabilités futures que les produits scientifiques du projet ont été discutés et seront adaptés. Ces ateliers de travail ont permis de préparer le soutien à la planification des stratégies d’adaptation par les pouvoirs publics et les acteurs de terrain des quatre territoires.

 

Pacifique en transition : regards croisés sur le climat

Dans une optique de vulgarisation scientifique à destination du grand public, CLIPSSA a organisé une soirée de médiation le mercredi 26 mars, avec le soutien de la Communauté du Pacifique Sud (CPS). De la jeunesse calédonienne aux scientifiques, du dessin au documentaire, différents regards et témoignages autour des impacts du changement climatique sur les territoires du Pacifique se sont rejoints. 

Soirée de médiation à la CPS, 26 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

Les chercheurs et doctorants en sciences humaines et sociales (Maya Leclercq, anthropologue à l’IRD, Samson Jean Marie, doctorant en anthropologie et géographie à l’Ecole Doctorale du Pacifique de l’Université de Nouvelle-Calédonie et à l’IRD) ainsi que les chercheurs et ingénieurs issus des sciences du climat (Dakéga Ragatoa, modélisateur nexus climat/agriculture/eau et Jérémy Guerbette, ingénieur d’études à la Direction interrégionale de Météo-France en Polynésie Française) ont présenté leurs résultats scientifiques. Plus de 120 personnes se sont réunies pour écouter ces intervenants, mais aussi les discours d’éloquence de Georgina Sioremu, étudiante en Bachelor de design graphique et web à l’École du Design à Nouméa, et de Dylan Leconte, étudiant en CPGE ECG au Lycée Dick Ukeiwe. Retrouvez prochainement un article dédié sur la page Actualités CLIPSSA. 

 

Revivez l’intégralité de la soirée ci-dessous.

Captation de la soirée, 26 mars 2025, © AK studios

 

Le comité de pilotage CLIPSSA 

Pour clôturer cet évènement, les points focaux institutionnels, techniques, les partenaires du projet et la communauté scientifique se sont réunis lors d’un comité de pilotage. Cette ultime matinée était dédiée à rappeler les points d’avancée de 2024 et les freins rencontrés, puis synthétiser les premiers résultats scientifiques et les méthodes de restitution, et enfin conduire les perspectives de l’année 2026. 

Comité de pilotage CLIPSSA, 27 mars 2025, © IRD – Pauline Pobès

 

La présence médiatique 

Lors de cette semaine rythmée, CLIPSSA a renforcé sa visibilité médiatique à travers des interviews données par les chercheurs du projet, notamment Christophe Menkès et Gildas Guidiguan pour la radio Djiido, mais aussi Jérémy Guerbette pour la chaîne Caledonia. La revue de presse complète est disponible dans la rubrique Documentation et au bas de cette page. 

 

La conférence C’nature : quel futur climat pour la Nouvelle-Calédonie ? 

Les chercheurs du projet de recherche-action ont poursuivi les échanges et les présentations à destination du grand public à l’auditorium de la Province Sud, lors de la conférence C’nature du jeudi 1er avril 2025, organisée par le CRESICA

Christophe Menkès à la Conférence C’Nature, 1er avril 2025

Le climatologue et co-porteur du projet, Christophe Menkès et le météorologiste et responsable climat Alexandre Peltier ont présenté les modèles de climat et les méthodes de simulations climatiques utilisées dans le cadre du projet CLIPSSA, ainsi que les différents scénarios d’augmentation des températures dans le futur. Retrouvez prochainement un article dédié sur la page Actualités

 

Retrouvez cette conférence passionnante en intégralité ci-dessous.

Captation de la conférence, 1er avril 2025, © Jean-Michel Boré

 

Pour aller plus loin :

Offre de contrat d’apprentissage 1 an – Chargé(e) de projet « Communication & culture scientifique » – projet CLIPSSA

CLIPSSA propose un contrat d’alternance en communication & médiation scientifique de 1 an au centre IRD de Nouméa en Nouvelle-Calédonie.

La date limite de candidature est fixée au 5 mars 2025 et les entretiens auront lieu entre le 6 et le 12 mars 2025. La date de démarrage du stage est prévue à compter du 1er avril.

 

L’offre complète est disponible sur ce lien !

Comment les agriculteurs de Nouvelle-Calédonie articulent savoirs scientifiques et traditionnels pour s’adapter aux sécheresses et aux fortes pluies : les recherches de Luc Merlaud

Stages réalisés par Luc Merlaud

Master Transitions Ecologiques – Sciences Po Grenoble

2023 et 2024

Sous la direction de Catherine Sabinot et Samson Jean Marie (IRD)
Tuteur Sciences Po : Arnaud Buchs

 

En Nouvelle-Calédonie, où le changement climatique amplifie les phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses et les fortes pluies, les agriculteurs doivent innover pour préserver leurs cultures et garantir leur subsistance. Luc Merlaud, étudiant de Sciences Po Grenoble, a consacré deux stages de recherche en 2023 et 2024, à explorer comment ces agriculteurs combinent savoirs scientifiques et traditionnels pour s’adapter à ces défis croissants.

 

Deux stages au cœur des communautés locales et des institutions

Accueilli à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Luc Merlaud a mené des recherches de terrain en Nouvelle-Calédonie dans le cadre du projet CLIPSSA (Climat du Pacifique, Savoirs Locaux et Stratégie d’Adaptation), encadré par les chercheurs. Ces stages réalisés en 2023 et 2024, respectivement de cinq et quatre mois, ont permis des échanges approfondis avec des partenaires tels que l’Agence Française de Développement (AFD), Météo-France, l’Institut Agronomique Calédonien (IAC), ainsi que les communautés locales et les autorités coutumières. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre de la thèse de doctorat de Samson Jean Marie, qui a co-encadré le stage de M2 de Luc Merlaud avec Catherine Sabinot, visant spécifiquement à comprendre la manière dont les agriculteurs combinent une diversité de savoirs pour s’adapter aux perturbations climatiques.

 

Une agriculture diversifiée et exposée

L’agriculture, sélectionnée comme secteur prioritaire par le projet CLIPSSA, se distingue par sa diversité culturale et variétale, qui entre dans la composition du champ. De plus, elle conjugue des logiques commerciales, vivrières et culturelles, reflétant une variété d’objectifs et de pratiques agricoles. Ces systèmes hybrides s’appuient sur des savoirs locaux, transmis de génération en génération ou partagés au sein des communautés. Ils intègrent également des connaissances scientifiques récentes, telles que les bulletins météorologiques, les données issues des centres de recherche, ou encore les informations fournies par des instruments modernes que les agriculteurs intègrent dans leur système de production agricole.

Déjà exposée aux aléas climatiques, l’agriculture calédonienne est de plus en plus vulnérable en raison de l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes. Cette vulnérabilité est exacerbée par l’influence de l’Oscillation Australe d’El Niño (ENSO), qui alterne entre des phases El Niño, marquées par des sécheresses sévères, et des phases La Niña, caractérisées par des précipitations excessives. Ces cycles climatiques, devenus plus imprévisibles et extrêmes sous l’effet du changement climatique, perturbent considérablement les systèmes agricoles locaux, entraînant des pertes de récoltes et des difficultés accrues pour les agriculteurs à planifier leurs activités. Face à ces défis, il devient crucial de mieux caractériser les enjeux actuels auxquels font face les agriculteurs, afin de concevoir des stratégies d’adaptation ajustées aux exigences locales.

L’étude s’est intéressée prioritairement à deux systèmes de cultures, intégrant majoritairement l’igname et le taro, deux tubercules essentiels pour la population calédonienne. Leurs besoins en eau opposés – l’igname nécessitant un climat sec et le taro un climat humide – en font des indicateurs particulièrement sensibles aux variations du régime des pluies. Ces cultures ont été étudiées dans deux sites, sur la côte Est et la côte Ouest, où coexistent des modèles agricoles variés (mécanisés, traditionnels, vivriers ou commerciaux).

 

Agriculteur à Canala, février 2024, Samson Jean Marie

 

Une approche collaborative et qualitative

L’étude a débuté par la mobilisation de la littérature sur les savoirs écologiques, la transmission des savoirs agricoles et les perceptions du changement climatique en Océanie. Luc Merlaud a également analysé les données d’entretiens précédemment collectées par les scientifiques du projet CLIPSSA, et celles recueillies auprès des agriculteurs et d’autres acteurs locaux.

Différentes phases de terrain ont été menées au cours de l’étude. Une première phase exploratoire s’est déroulée dans les communes de Canala et La Foa, permettant de dresser un panorama initial des dynamiques agricoles. En juin 2023, une ethnographie a été réalisée dans la tribu de Koh, offrant une immersion au cœur des savoirs traditionnels et des pratiques communautaires. Enfin, en 2024, une immersion participative dans une exploitation de production de tubercules tropicaux à La Foa a permis d’observer de manière concrète les techniques culturales, les adaptations mises en œuvre face aux aléas climatiques, ainsi que l’intégration des savoirs scientifiques et locaux dans la gestion quotidienne des cultures.

Les entretiens et observations ont été retranscrits et analysés à l’aide d’outils qualitatifs comme Rqda, et complétés par des historiques climatiques détaillés pour contextualiser les phénomènes évoqués.

 

Quand la science et la tradition façonnent les choix agricoles

Dans les champs, les décisions agricoles naissent souvent d’un subtil dialogue entre savoirs traditionnels et données scientifiques. Dans ce travail, il a été constaté que ces interactions se révèlent parfois dans la prise de décision agricole, où les indicateurs écologiques issus de l’observation de l’environnement se conjuguent avec les données scientifiques pour guider les pratiques des agriculteurs. Illustration frappante : un agriculteur, alerté par une annonce à la radio prédisant un épisode El Niño, s’est tourné vers les roseaux Phragmites australis, poussant près de ses cultures. Anormalement enroulées sur elles mêmes et parfois desséchées, les feuilles de ces plantes, qu’il perçoit comme des sentinelles naturelles annonçant la sécheresse, ont confirmé la menace évoquée par les experts. Rassuré par cette concordance entre science et nature, il a ajusté ses cultures, anticipant une période de sécheresse avec des mesures adaptées pour minimiser les pertes.

Il a également été identifié que les migrations professionnelles des populations entre la côte Est et la côte Ouest favorisent une dynamique d’échange de savoirs agricoles. Sur les exploitations mécanisées de la côte Ouest, des travailleurs agricoles enquêtés, originaires de la côte Est et de la tribu de Coindé, affirment acquérir des techniques modernes, telles que l’irrigation ou la gestion des maladies, qu’ils adaptent ensuite aux contraintes hydriques et phytosanitaires de leurs territoires d’origine. En retour, les exploitants de la côte Ouest bénéficient du savoir-faire traditionnel de leurs employés, notamment pour les cultures d’igname et de taro, essentielles face aux aléas climatiques. Ce brassage entre modernité et traditions tisse un réseau d’apprentissage mutuel, contribuant à l’adaptation des pratiques agricoles face à la vulnérabilité climatique des exploitations.

« C’est plus sec ici, et moi je n’utilise pas d’engrais, ça ne pousse pas pareil. J’ai donc donné ces variétés de taro [taro dit de montagne] à [mon employeur]. Parfois, [mon employeur] vient avec des machines pour labourer mon champ et construire des billons pour que je puisse cultiver mes ignames. »

Agricultrice à la Foa, entretien réalisé en avril 2024

Les pratiques traditionnelles héritées des années 1970, comme le paillage ou l’utilisation de systèmes d’irrigation en bambou, côtoient des équipements sophistiqués tels que des sondes d’humidité et des stations connectées dans les champs. Ces dispositifs, comme ceux utilisés par un agriculteur interrogé à la Foa, permettent un contrôle précis de l’irrigation en croisant des indicateurs sensoriels et numériques.

« Je regarde par exemple l’état des feuilles, leur couleur, pour savoir si elles manquent d’eau, en plus des données fournies par mes sondes. J’enfonce également mon doigt dans le sol près de quelques taros choisis au pif pour sentir l’humidité. Après avoir vérifié tout ça, je décide s’il est nécessaire d’arroser ou non. »

Agriculteur à la Foa, entretien réalisé en avril 2024

Cependant, l’intégration des savoirs scientifiques dans les pratiques agricoles rencontre des limites. Certaines recommandations agronomiques, diffusées par des techniciens ou les médias, ne sont pas toujours adaptées au contexte local, soit en raison de contraintes économiques, politiques, soit par volonté de préserver des systèmes de culture dits « traditionnels ». Cette inadéquation souligne la nécessité d’un dialogue renforcé entre les chercheurs, les techniciens agricoles et les agriculteurs pour développer des solutions plus pertinentes et accessibles.

 

Vers une approche élargie des stratégies d’adaptation calédoniennes

Ce travail de recherche rend compte de l’importance de l’articulation des savoirs traditionnels et scientifiques dans le renforcement de l’adaptation des pratiques agricoles en Nouvelle-Calédonie, face aux contraintes climatiques. Si ces échanges favorisent l’innovation, des obstacles subsistent, notamment dans l’appropriation des recommandations scientifiques parfois inadaptées aux réalités locales. Un dialogue approfondi entre chercheurs, techniciens et agriculteurs est indispensable pour coconstruire des solutions accessibles et durables, dynamique que le projet CLIPSSA ambitionne de favoriser.

 

Retrouvez les mémoires et présentations de soutenances de Luc Merlaud en cliquant sur ces liens :