CLIPSSA à la rencontre du grand public

La conférence C’nature : quel futur climat pour la Nouvelle-Calédonie ? 

 

Christophe Menkès et Alexandre Peltier, respectivement climatologue et co-coordonnateur de CLIPSSA ; et météorologiste responsable climat à la direction interrégionale de Météo-France en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, ont présenté leur travail au public avec beaucoup de pédagogie lors de la conférence C’nature du 1er avril 2025. Cette conférence organisée à l’auditorium de la Province Sud par le CRESICA a réuni 110 participants.

Christophe Menkès à la conférence C’nature, 01/04/2025, © Cléophée Montizon

 

Le climat passé en Nouvelle-Calédonie 

Alexandre Peltier a présenté au public les méthodes de mesure des évolutions climatiques récentes en Nouvelle-Calédonie. Chaque jour, les météorologues contrôlent les relevés des stations de mesures de températures et de précipitations. Pour suivre l’évolution du climat, sur le long terme, il est nécessaire de disposer de données historiques. L’analyse de ces données démontre une hausse moyenne du climat calédonien de 1,3°C depuis 1965, ainsi qu’une augmentation de la fréquence des épisodes de vagues de fortes chaleur. 

Les précipitations, elles, varient sous l’effet de l’oscillation entre El Nino et La Nina, déterminante pour cette zone du Pacifique. En revanche, durant l’hiver austral, on remarque une diminution de ces précipitations de 11 millimètres par décennie entre 1955 et 2024.

En ce qui concerne l’activité cyclonique, il n’est pas possible d’établir de tendance significative pour le territoire de Nouvelle-Calédonie, du fait de l’absence de données historiques homogènes. Si ces données pourraient permettre d’observer l’évolution de ces phénomènes, les nombreuses avancées techniques ayant amélioré leur suivi au cours de la seconde moitié du 20e siècle rendent les informations à disposition trop hétérogènes.

 

Le climat futur en Nouvelle-Calédonie

Christophe Menkès a ensuite présenté les évolutions du climat attendues dans le futur

Le rapport du GIEC de 2022 montre une augmentation de la température de 1,4°C sur l’ensemble de la planète depuis la période 1850-1900. Pour simuler cette évolution climatique, de nombreux modèles de climat existent. A partir des données passées et présentes, les modèles projettent l’évolution des températures futures sur la planète, de 2015 à 2100. Ils fournissent aux climatologues un intervalle d’incertitude, un faisceau de possibilités futures. Il existe différents scénarios d’évolution, déterminés en fonction de la quantité d’émissions de gaz à effet de serre estimée. 

Après une explication précise du fonctionnement des simulations climatiques du GIEC, le co-coordonnateur du projet CLIPSSA a pointé leur manque de précision quant aux zones insulaires comme la Nouvelle-Calédonie. En effet, CLIPSSA permet de simuler les impacts des changements climatiques, loin d’être uniformes à l’échelle du globe, sur ce petit territoire, ainsi qu’au Vanuatu, Wallis-et-Futuna et en Polynésie française. 

Pour ce faire, il s’agit de régionaliser les modèles de climat, à savoir de les adapter à l’échelle de ces territoires. La plus fine échelle utilisée sera de 2,5 kilomètres, et permettra d’examiner le devenir des précipitations, des températures et des cyclones. Pour qu’une simulation climatique soit fiable, les chercheurs l’inscrivent dans un ensemble de 14 simulations. Cet ensemble prévoit une augmentation de la température en Nouvelle-Calédonie située entre +2,2°C et +3,5°C, avec une moyenne de +3°C, en 2100, et ce par rapport à la période 1981-2010.

Retrouvez la présentation en intégralité ci-dessous.

 

Pacifique en transition : regards croisés sur le climat

 

Quand les sciences humaines et sociales et les sciences du climat se rencontrent pour penser l’avenir de la production agricole dans le Pacifique Sud

Dans un contexte de bouleversements climatiques, les pratiques agricoles du Pacifique sont confrontées à de profondes mutations. La variabilité accrue du climat et les événements extrêmes, tels que les fortes pluies et les fortes sécheresses, mettent à rude épreuve les systèmes agroalimentaires locaux. Ces changements soulèvent des interrogations essentielles sur l’adaptation, la résilience et la transmission des savoirs agricoles. Pour médiatiser ces problématiques et rendre accessible leurs implications scientifiques, le projet CLIPSSA a réuni plus de 120 personnes dans l’auditorium de la Communauté du Pacifique Sud (CPS) à Nouméa, lors d’une soirée de médiation scientifique. Différents regards et témoignages se sont croisés autour des impacts des changements climatiques sur les territoires du Pacifique Sud. 

Soirée Pacifique en transition, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Jean Michel Boré

 

Des voix jeunes et engagées pour le climat

La soirée a débuté par une restitution émouvante : le ressenti de la jeunesse  calédonienne face au changement climatique. Au travers de dessins, les élèves de CM2 de l’école Marie Havet à Ouémo, de l’école Yvonne Lacourt de La Foa et du groupe scolaire de Thio ont partagé leur vision des changements climatiques. Une vidéo de présentation du projet a été diffusée. Cette séquence à mis en lumière une perception intergénérationnelle qui oscille entre espoirs et inquiétudes. 

« Il est essentiel que nous soyons impliqués dans les décisions qui concernent notre futur. (…) Nous voulons participer activement à l’élaboration des solutions » Dylan Leconte

Dans le sillage de cette ouverture, deux jeunes engagés pour la défense de leur patrimoine environnemental ont pris la parole avec éloquence. Leurs performances oratoires sont le reflet d’un attachement profond à leur territoire. Georgina Sioremu, étudiante en Bachelor de design graphique et web à l’École du Design de Nouméa, et Dylan Leconte, étudiant en classe préparatoire économique et commerciale au Lycée Dick Ukeiwe, ont affirmé leur volonté de s’impliquer dans les dynamiques de transformations sociales et climatiques, de s’inscrire dans une mouvance de transmission et de partage. 

« Je ne peux plus regarder ailleurs, ma mission m’attend de pied ferme. » (…) « Toutes et tous nous voyons les changements. » Georgina Sioremu

 

Georgina et Dylan devant l’affiche de la soirée, hall de la CPS, 26/03/2025, © Maeva Tesan 

Revivez leur prestation grâce à la captation vidéo et retrouvez leur texte en annexe de cet article. 

 

Croiser les disciplines pour mieux comprendre la réalité climatique

Un panel de chercheurs en sciences sociales et en climatologie est ensuite intervenu pour partager les travaux menés au sein de CLIPSSA. 

À travers un dialogue riche, Dakéga Ragatoa, postdoctorant modélisateur des impacts des changements climatiques sur l’agriculture et l’eau à l’IRD, et Jérémy Guerbette, ingénieur d’études à Météo-France à la Direction interrégionale de Polynésie Française, ont mis en lumière leurs rôles respectifs dans CLIPSSA et leurs premiers résultats. 

En effet, les simulations climatiques montrent les évolutions futures possibles de plusieurs variables, par exemple la température, le vent et les précipitations. Les modélisateurs peuvent par la suite simuler la réponse des plantes et des cultures agricoles face à ces changements

Les panélistes lors de la soirée, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Jean Michel Boré 

 

Côté sciences humaines et sociales, Maya Leclercq, anthropologue postdoctorante à l’IRD et Samson Jean Marie, doctorant en anthropologie et géographie à l’EDP-UNC (Ecole doctorale du Pacifique de l’Université de Nouvelle-Calédonie) et à l’IRD, ont présenté les stratégies d’adaptation développées par les communautés locales des quatre territoires. 

Par exemple, certains cultivateurs d’ignames et de taro à Futuna varient les distances entre les plantations chaque année, afin d’observer les changements produits sur le rendement. D’une autre façon, au sud de l’île d’Espiritu Santo au Vanuatu, des agriculteurs accompagnent la plantation des soft yam (variété d’igname) de patates douces dans le même champ pour se prémunir des dégâts liés à d’éventuels cyclones. Les anthropologues ont évoqué les limites auxquelles se heurtent ces stratégies, mais aussi les ressources culturelles et sociales mobilisées pour faire face aux nouvelles contraintes climatiques

Le projet CLIPSSA vise à transmettre ces analyses scientifiques aux institutions afin d’orienter les politiques publiques vers des plans d’adaptation nourris par les réalités de terrain

 

En plus d’interagir directement avec les panélistes lors d’une séance de questions-réponses, le public a partagé son vécu quant aux pratiques agricoles. Les participants aux différents sondages ont fait part de leurs expériences liées aux aléas climatiques. A l’issue de la conférence, le public a déclaré se sentir “inspiré” et “plein d’espoir”

Captures d’écran et photographies des sondages lors de la soirée, grande salle de conférence de la CPS, 26/03/2025, © Cléophée Montizon

 

La projection d’extraits du documentaire Un paradis en péril, réalisé en 2022 par Jacques-Olivier TROMPAS (JADA Productions) en coproduction avec l’IRD, a clôturé la soirée. L’équipe-projet CLIPSSA a participé au film par des interviews sur l’étude des impacts des changements climatiques et la transmission des résultats scientifiques aux politiques publiques et aux collectivités. 

 

Vers un futur partagé

En croisant regards scientifiques et témoignages citoyens, Pacifique en transition a permis de mieux comprendre les multiples facettes des défis climatiques dans la région. Un événement qui, au-delà de la sensibilisation, ouvre des perspectives de dialogue et de coopération entre chercheurs, citoyens et institutions, pour construire ensemble des réponses durables, résilientes et ancrées dans les réalités locales

Les intervenants de la soirée devant l’affiche, hall de la CPS, 26/03/2025, © Maeva Tesan

Cette soirée est à revivre intégralement via la captation ci-dessous.

 

Annexes :

 

Quel futur climat pour la Nouvelle Calédonie ?

Pacifique en transition : regards croisés sur le climat

Retour sur la semaine CLIPSSA “Comprendre, vulgariser et communiquer sur le changement climatique”

Un évènement de grande ampleur pour rassembler toutes les parties prenantes 

A l’occasion du workshop scientifique et technique « Comprendre, vulgariser et communiquer sur le changement climatique », CLIPSSA a réuni de nombreux acteurs durant la semaine du 21 au 27 mars 2025, au centre IRD de Nouméa et à la Communauté du Pacifique Sud (CPS). 

L’IRD, Météo-France et l’Agence française de développement, en partenariat avec l’Institut agronomique calédonien (IAC), et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) étaient présents pour accueillir la direction de l’agriculture de Polynésie française, le service de l’agriculture et des pêches de Wallis-et-Futuna, ainsi que le conseil consultatif national (NAB), le ministère de l’agriculture et le département de météorologie et des géorisques (VMGD) du Vanuatu, mais aussi, pour la Nouvelle-Calédonie, le cabinet de Jérémie Katidjo Monnier, la Province Nord, la Province Sud, la Province des Iles, la direction des affaires vétérinaires alimentaires et rurales (DAVAR), la chambre d’agriculture et de la pêche, la direction des affaires sanitaires et sociales (DASS), l’ADECAL Technopole, Data Terra Océanie, Bio eKo consultants

Photo de groupe des participants, 25 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

Equipe CLIPSSA, 21 mars 2025, © IRD – Pascal Dumas

Des données inédites ont été présentées, permettant de nourrir la co-construction de solutions face à l’évolution du climat du Pacifique, entre scientifiques, politiques publiques et grand public.

 

Des échanges scientifiques favorisant la cohésion et la synergie 

Lors des journées scientifiques des vendredi 21 et lundi 24 mars au centre IRD de Nouméa, les chercheurs en sciences du climat et en sciences humaines et sociales se sont réunis afin de présenter leurs avancées et de favoriser l’interdisciplinarité

Journées scientifiques à l’IRD, 21 et 24 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

La communauté scientifique CLIPSSA a pu partager son travail ainsi que ses interrogations quant aux thématiques inhérentes au projet. Les invités ont assisté aux présentations des postdoctorants, ingénieurs et chercheurs en simulations climatiques concernant les modèles utilisés (ALADIN, modélisation à 20km et AROME, modélisation à 2,5km), ainsi que les tendances climatiques futures et leurs impacts sur l’agriculture et la gestion de la ressource en eau sur les quatre territoires concernés (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Wallis-et-Futuna et Polynésie française). 

 

Des ateliers collaboratifs pour accompagner et soutenir les politiques publiques

CLIPSSA a réuni les parties prenantes des quatre territoires pour permettre à la communauté scientifique et aux acteurs des politiques publiques de partager les objectifs d’adaptation aux impacts des changements climatiques, les besoins induits, et de s’aligner sur les solutions envisageables.

L’aire coutumière de Drubea-Kapumë et Jérémie Katidjo Monnier ont ouvert ces journées collaboratives lors de la coutume du mardi matin. Le membre du gouvernement en charge de la transition écologique a ensuite prononcé un discours de bienvenue, suivi du directeur de l’Agence française de développement en Nouvelle-Calédonie, Thomas de Gubernatis, et des coordonnateurs scientifiques du projet CLIPSSA, Christophe Menkès et Catherine Sabinot. 

Coutume et ateliers collaboratifs à la CPS, 25 et 26 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

L’INRAE a accompagné l’équipe CLIPSSA pour modéliser collectivement les processus de décision et d’action, aux niveaux des agriculteurs, des collectifs agricoles et des institutions compétentes, sur plusieurs échelles temporelles, et pour les quatre territoires concernés. Il s’agissait ensuite de réfléchir sur la vulnérabilité et les chemins d’adaptation des acteurs, puis de requalifier leurs besoins. C’est en regard de ces besoins et par rapport aux enjeux de vulnérabilités futures que les produits scientifiques du projet ont été discutés et seront adaptés. Ces ateliers de travail ont permis de préparer le soutien à la planification des stratégies d’adaptation par les pouvoirs publics et les acteurs de terrain des quatre territoires.

 

Pacifique en transition : regards croisés sur le climat

Dans une optique de vulgarisation scientifique à destination du grand public, CLIPSSA a organisé une soirée de médiation le mercredi 26 mars, avec le soutien de la Communauté du Pacifique Sud (CPS). De la jeunesse calédonienne aux scientifiques, du dessin au documentaire, différents regards et témoignages autour des impacts du changement climatique sur les territoires du Pacifique se sont rejoints. 

Soirée de médiation à la CPS, 26 mars 2025, © IRD – Jean-Michel Boré

Les chercheurs et doctorants en sciences humaines et sociales (Maya Leclercq, anthropologue à l’IRD, Samson Jean Marie, doctorant en anthropologie et géographie à l’Ecole Doctorale du Pacifique de l’Université de Nouvelle-Calédonie et à l’IRD) ainsi que les chercheurs et ingénieurs issus des sciences du climat (Dakéga Ragatoa, modélisateur nexus climat/agriculture/eau et Jérémy Guerbette, ingénieur d’études à la Direction interrégionale de Météo-France en Polynésie Française) ont présenté leurs résultats scientifiques. Plus de 120 personnes se sont réunies pour écouter ces intervenants, mais aussi les discours d’éloquence de Georgina Sioremu, étudiante en Bachelor de design graphique et web à l’École du Design à Nouméa, et de Dylan Leconte, étudiant en CPGE ECG au Lycée Dick Ukeiwe. Retrouvez prochainement un article dédié sur la page Actualités CLIPSSA. 

 

Revivez l’intégralité de la soirée ci-dessous.

Captation de la soirée, 26 mars 2025, © AK studios

 

Le comité de pilotage CLIPSSA 

Pour clôturer cet évènement, les points focaux institutionnels, techniques, les partenaires du projet et la communauté scientifique se sont réunis lors d’un comité de pilotage. Cette ultime matinée était dédiée à rappeler les points d’avancée de 2024 et les freins rencontrés, puis synthétiser les premiers résultats scientifiques et les méthodes de restitution, et enfin conduire les perspectives de l’année 2026. 

Comité de pilotage CLIPSSA, 27 mars 2025, © IRD – Pauline Pobès

 

La présence médiatique 

Lors de cette semaine rythmée, CLIPSSA a renforcé sa visibilité médiatique à travers des interviews données par les chercheurs du projet, notamment Christophe Menkès et Gildas Guidiguan pour la radio Djiido, mais aussi Jérémy Guerbette pour la chaîne Caledonia. La revue de presse complète est disponible dans la rubrique Documentation et au bas de cette page. 

 

La conférence C’nature : quel futur climat pour la Nouvelle-Calédonie ? 

Les chercheurs du projet de recherche-action ont poursuivi les échanges et les présentations à destination du grand public à l’auditorium de la Province Sud, lors de la conférence C’nature du jeudi 1er avril 2025, organisée par le CRESICA

Christophe Menkès à la Conférence C’Nature, 1er avril 2025

Le climatologue et co-porteur du projet, Christophe Menkès et le météorologiste et responsable climat Alexandre Peltier ont présenté les modèles de climat et les méthodes de simulations climatiques utilisées dans le cadre du projet CLIPSSA, ainsi que les différents scénarios d’augmentation des températures dans le futur. Retrouvez prochainement un article dédié sur la page Actualités

 

Retrouvez cette conférence passionnante en intégralité ci-dessous.

Captation de la conférence, 1er avril 2025, © Jean-Michel Boré

 

Pour aller plus loin :

Offre de contrat d’apprentissage 1 an – Chargé(e) de projet « Communication & culture scientifique » – projet CLIPSSA

CLIPSSA propose un contrat d’alternance en communication & médiation scientifique de 1 an au centre IRD de Nouméa en Nouvelle-Calédonie.

La date limite de candidature est fixée au 5 mars 2025 et les entretiens auront lieu entre le 6 et le 12 mars 2025. La date de démarrage du stage est prévue à compter du 1er avril.

 

L’offre complète est disponible sur ce lien !

Comment les agriculteurs de Nouvelle-Calédonie articulent savoirs scientifiques et traditionnels pour s’adapter aux sécheresses et aux fortes pluies : les recherches de Luc Merlaud

Stages réalisés par Luc Merlaud

Master Transitions Ecologiques – Sciences Po Grenoble

2023 et 2024

Sous la direction de Catherine Sabinot et Samson Jean Marie (IRD)
Tuteur Sciences Po : Arnaud Buchs

 

En Nouvelle-Calédonie, où le changement climatique amplifie les phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses et les fortes pluies, les agriculteurs doivent innover pour préserver leurs cultures et garantir leur subsistance. Luc Merlaud, étudiant de Sciences Po Grenoble, a consacré deux stages de recherche en 2023 et 2024, à explorer comment ces agriculteurs combinent savoirs scientifiques et traditionnels pour s’adapter à ces défis croissants.

 

Deux stages au cœur des communautés locales et des institutions

Accueilli à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Luc Merlaud a mené des recherches de terrain en Nouvelle-Calédonie dans le cadre du projet CLIPSSA (Climat du Pacifique, Savoirs Locaux et Stratégie d’Adaptation), encadré par les chercheurs. Ces stages réalisés en 2023 et 2024, respectivement de cinq et quatre mois, ont permis des échanges approfondis avec des partenaires tels que l’Agence Française de Développement (AFD), Météo-France, l’Institut Agronomique Calédonien (IAC), ainsi que les communautés locales et les autorités coutumières. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre de la thèse de doctorat de Samson Jean Marie, qui a co-encadré le stage de M2 de Luc Merlaud avec Catherine Sabinot, visant spécifiquement à comprendre la manière dont les agriculteurs combinent une diversité de savoirs pour s’adapter aux perturbations climatiques.

 

Une agriculture diversifiée et exposée

L’agriculture, sélectionnée comme secteur prioritaire par le projet CLIPSSA, se distingue par sa diversité culturale et variétale, qui entre dans la composition du champ. De plus, elle conjugue des logiques commerciales, vivrières et culturelles, reflétant une variété d’objectifs et de pratiques agricoles. Ces systèmes hybrides s’appuient sur des savoirs locaux, transmis de génération en génération ou partagés au sein des communautés. Ils intègrent également des connaissances scientifiques récentes, telles que les bulletins météorologiques, les données issues des centres de recherche, ou encore les informations fournies par des instruments modernes que les agriculteurs intègrent dans leur système de production agricole.

Déjà exposée aux aléas climatiques, l’agriculture calédonienne est de plus en plus vulnérable en raison de l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes. Cette vulnérabilité est exacerbée par l’influence de l’Oscillation Australe d’El Niño (ENSO), qui alterne entre des phases El Niño, marquées par des sécheresses sévères, et des phases La Niña, caractérisées par des précipitations excessives. Ces cycles climatiques, devenus plus imprévisibles et extrêmes sous l’effet du changement climatique, perturbent considérablement les systèmes agricoles locaux, entraînant des pertes de récoltes et des difficultés accrues pour les agriculteurs à planifier leurs activités. Face à ces défis, il devient crucial de mieux caractériser les enjeux actuels auxquels font face les agriculteurs, afin de concevoir des stratégies d’adaptation ajustées aux exigences locales.

L’étude s’est intéressée prioritairement à deux systèmes de cultures, intégrant majoritairement l’igname et le taro, deux tubercules essentiels pour la population calédonienne. Leurs besoins en eau opposés – l’igname nécessitant un climat sec et le taro un climat humide – en font des indicateurs particulièrement sensibles aux variations du régime des pluies. Ces cultures ont été étudiées dans deux sites, sur la côte Est et la côte Ouest, où coexistent des modèles agricoles variés (mécanisés, traditionnels, vivriers ou commerciaux).

 

Agriculteur à Canala, février 2024, Samson Jean Marie

 

Une approche collaborative et qualitative

L’étude a débuté par la mobilisation de la littérature sur les savoirs écologiques, la transmission des savoirs agricoles et les perceptions du changement climatique en Océanie. Luc Merlaud a également analysé les données d’entretiens précédemment collectées par les scientifiques du projet CLIPSSA, et celles recueillies auprès des agriculteurs et d’autres acteurs locaux.

Différentes phases de terrain ont été menées au cours de l’étude. Une première phase exploratoire s’est déroulée dans les communes de Canala et La Foa, permettant de dresser un panorama initial des dynamiques agricoles. En juin 2023, une ethnographie a été réalisée dans la tribu de Koh, offrant une immersion au cœur des savoirs traditionnels et des pratiques communautaires. Enfin, en 2024, une immersion participative dans une exploitation de production de tubercules tropicaux à La Foa a permis d’observer de manière concrète les techniques culturales, les adaptations mises en œuvre face aux aléas climatiques, ainsi que l’intégration des savoirs scientifiques et locaux dans la gestion quotidienne des cultures.

Les entretiens et observations ont été retranscrits et analysés à l’aide d’outils qualitatifs comme Rqda, et complétés par des historiques climatiques détaillés pour contextualiser les phénomènes évoqués.

 

Quand la science et la tradition façonnent les choix agricoles

Dans les champs, les décisions agricoles naissent souvent d’un subtil dialogue entre savoirs traditionnels et données scientifiques. Dans ce travail, il a été constaté que ces interactions se révèlent parfois dans la prise de décision agricole, où les indicateurs écologiques issus de l’observation de l’environnement se conjuguent avec les données scientifiques pour guider les pratiques des agriculteurs. Illustration frappante : un agriculteur, alerté par une annonce à la radio prédisant un épisode El Niño, s’est tourné vers les roseaux Phragmites australis, poussant près de ses cultures. Anormalement enroulées sur elles mêmes et parfois desséchées, les feuilles de ces plantes, qu’il perçoit comme des sentinelles naturelles annonçant la sécheresse, ont confirmé la menace évoquée par les experts. Rassuré par cette concordance entre science et nature, il a ajusté ses cultures, anticipant une période de sécheresse avec des mesures adaptées pour minimiser les pertes.

Il a également été identifié que les migrations professionnelles des populations entre la côte Est et la côte Ouest favorisent une dynamique d’échange de savoirs agricoles. Sur les exploitations mécanisées de la côte Ouest, des travailleurs agricoles enquêtés, originaires de la côte Est et de la tribu de Coindé, affirment acquérir des techniques modernes, telles que l’irrigation ou la gestion des maladies, qu’ils adaptent ensuite aux contraintes hydriques et phytosanitaires de leurs territoires d’origine. En retour, les exploitants de la côte Ouest bénéficient du savoir-faire traditionnel de leurs employés, notamment pour les cultures d’igname et de taro, essentielles face aux aléas climatiques. Ce brassage entre modernité et traditions tisse un réseau d’apprentissage mutuel, contribuant à l’adaptation des pratiques agricoles face à la vulnérabilité climatique des exploitations.

« C’est plus sec ici, et moi je n’utilise pas d’engrais, ça ne pousse pas pareil. J’ai donc donné ces variétés de taro [taro dit de montagne] à [mon employeur]. Parfois, [mon employeur] vient avec des machines pour labourer mon champ et construire des billons pour que je puisse cultiver mes ignames. »

Agricultrice à la Foa, entretien réalisé en avril 2024

Les pratiques traditionnelles héritées des années 1970, comme le paillage ou l’utilisation de systèmes d’irrigation en bambou, côtoient des équipements sophistiqués tels que des sondes d’humidité et des stations connectées dans les champs. Ces dispositifs, comme ceux utilisés par un agriculteur interrogé à la Foa, permettent un contrôle précis de l’irrigation en croisant des indicateurs sensoriels et numériques.

« Je regarde par exemple l’état des feuilles, leur couleur, pour savoir si elles manquent d’eau, en plus des données fournies par mes sondes. J’enfonce également mon doigt dans le sol près de quelques taros choisis au pif pour sentir l’humidité. Après avoir vérifié tout ça, je décide s’il est nécessaire d’arroser ou non. »

Agriculteur à la Foa, entretien réalisé en avril 2024

Cependant, l’intégration des savoirs scientifiques dans les pratiques agricoles rencontre des limites. Certaines recommandations agronomiques, diffusées par des techniciens ou les médias, ne sont pas toujours adaptées au contexte local, soit en raison de contraintes économiques, politiques, soit par volonté de préserver des systèmes de culture dits « traditionnels ». Cette inadéquation souligne la nécessité d’un dialogue renforcé entre les chercheurs, les techniciens agricoles et les agriculteurs pour développer des solutions plus pertinentes et accessibles.

 

Vers une approche élargie des stratégies d’adaptation calédoniennes

Ce travail de recherche rend compte de l’importance de l’articulation des savoirs traditionnels et scientifiques dans le renforcement de l’adaptation des pratiques agricoles en Nouvelle-Calédonie, face aux contraintes climatiques. Si ces échanges favorisent l’innovation, des obstacles subsistent, notamment dans l’appropriation des recommandations scientifiques parfois inadaptées aux réalités locales. Un dialogue approfondi entre chercheurs, techniciens et agriculteurs est indispensable pour coconstruire des solutions accessibles et durables, dynamique que le projet CLIPSSA ambitionne de favoriser.

 

Retrouvez les mémoires et présentations de soutenances de Luc Merlaud en cliquant sur ces liens :

Ressources d’apprentissage et de transmission de savoirs et savoir-faire agricoles locaux

 Stage de fin d’études réalisé par Marie-Amélie RICHEZ

ISTOM – Ecole d’agro-développement international
Avril – août 2024
Encadrantes : Catherine Sabinot (IRD), Maya Leclercq (IRD)

 

Elle a soutenu son mémoire de fin d’études le 17 octobre 2024 devant l’équipe du jury de l’ISTOM, des élèves de la même école ainsi que ses encadrantes. Marie-Amélie a également participé à l’animation de 2 restitutions auprès des parties prenantes (agriculteur·ices et acteur·ices institutionnel·les) du projet CLIPSSA à Tahiti.

 

Résumé mémoire

Dans un contexte de changement climatique, les îles du Pacifique, dont fait partie la Polynésie Française, font face à des phénomènes atmosphériques parfois extrêmes impactant divers secteurs, dont l’agriculture. Le projet CLIPSSA, auquel est intégré ce mémoire, se penche d’une part sur la production de données scientifiques inédites sur le climat futur du Pacifique Sud, et d’autre part sur l’analyse des impacts sectoriels, afin d’accompagner les stratégies d’adaptation au changement climatique portées par les pouvoirs publics.

Le mémoire porte sur les ressources que mobilisent les agriculteur·ices du plateau de Taravao afin d’apprendre et/ou de transmettre leurs savoirs et savoir-faire agricoles dans un contexte de changement climatique. Les résultats montrent qu’il existe une diversité de ressources matérielles comme immatérielles mobilisées par les agriculteur·ices.

De la mobilisation de ces ressources résultent divers apprentissages qui, dans certains cas, permettent aux agriculteur·ices de trouver des solutions adaptées à leurs contraintes dont les impacts des phénomènes  météorologiques extrêmes touchant le plateau de Taravao. Ces « savoirs locaux » sont des ressources essentielles sur lesquelles appuyer les stratégies d’adaptation au changement climatique actuelles et à venir.

Contexte de l’étude

La Polynésie française, située au cœur de l’Océan Pacifique, fait face à des défis socio- économiques et environnementaux importants, notamment dans le secteur tertiaire. Son économie est en partie tributaire des transferts financiers de l’État français, et le secteur agricole, bien que modeste en termes de contribution au PIB, joue un rôle crucial pour la sécurité alimentaire du territoire. La superficie cultivée est faible, seuls 9% des terres émergées sont cultivées, soit environ 40 000 ha de surface agricole utile (SAU) (Dubreu et al., 2024) .

Outre la faible proportion de terres cultivables, le déclin de la main-d’œuvre agricole, ainsi que la complexité foncière, notamment liée à l’indivision des terres et à l’accès au foncier, posent des obstacles à l’expansion de l’agriculture locale. S’ajoutent aux contraintes socio-économiques précitées, des contraintes environnementales parmi lesquelles les impacts du changement climatique qui pèsent sur l’agriculture.
A Taravao, commune de Tahiti, les agriculteur·ices produisent une diversité de légumes, de tubercules et de fleurs.

Bien que les productions maraîchères y soient majoritaires, l’étude présentée s’intéresse également à la production de vanille et de taro, un tubercule tropical, respectivement pour la sensibilité des fleurs de vanille et la résistance des taros à certains phénomènes ponctuant ou régissant le quotidien de l’île. Pour assurer la productivité de leurs champs, les agriculteur·ices mettent en place des pratiques, les adaptent et les réajustent au fil du temps, des contraintes rencontrées, etc. Cette adaptation est alimentée par un processus d’apprentissage et de transmission de savoirs et savoir-faire locaux auquel nous nous intéressons.

Principaux résultats

Les rencontres et échanges avec 22 agriculteur·ices organisés sur deux mois et demi de terrain ont permis la collecte d’informations quant aux ressources d’apprentissage et de transmission de savoirs et savoir-faire agricoles locaux qu’il·elles mobilisent. On y compte des ressources immatérielles et matérielles.

– Les ressources immatérielles sont vectrices d’informations et donc de savoirs et de savoir-faire. C’est par l’intermédiaire de ces ressources que s’exerce la circulation d’une ou plusieurs informations. On y compte le réseau humain (familial, professionnel et amical), les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et autres supports d’information (magazines, thèse, etc.), les groupes spécialisés type association, etc. et les formations diplômantes. Enfin, l’empirisme, ou l’expérience de la pratique, apparaît comme ressource essentielle à l’apprentissage d’un savoir et d’un savoir-faire.

– Les ressources matérielles sont des ressources physiques qui permettent la mise en place d’un changement de pratique en tant qu’elles rendent possible l’application d’une solution (ex : le tracteur et ses accessoires pour un travail du sol mécanisé, système d’irrigation pour l’alimentation hydrique des cultures, etc.). On y compte divers intrants qui dépendent de l’activité exercée, comme le matériel agricole (ex : serres, tracteurs, systèmes d’irrigation, etc.), les intrants chimiques et naturels c’est-à-dire engrais, pesticides, herbicides, etc. et enfin la ressource en eau.

La mobilisation quotidienne ou ponctuelle de ces ressources participe à la mise en place de nouvelles pratiques agricoles par les agriculteur·ices rencontré·es sur le plateau de Taravao. Parmi les pratiques mises en place, plusieurs ont pour objectif de palier, en partie, à des contraintes d’ordre météorologique. En effet, les agriculteur·ices rencontré·es témoignent devoir faire face à l’impact des fortes pluies, à des périodes de faibles précipitations accompagnées de fortes chaleurs ressenties ou encore au décalage des saisons avec une arrivée de la saison fraîche plus tardive.

Quelles pratiques sont mises en place pour palier à ces contraintes ?

Exemple des serres pour minimiser les impacts des fortes pluies

Les pluies sont parmi les phénomènes atmosphériques impactant les cultures les plus cités par les agriculteur‧ices. Celles-ci causent des impacts d’envergure notamment sur les cultures maraîchères et de vanille du fait de leur intensité ou leur durée. Dans le secteur maraîcher, un épisode pluvieux prolongé peut parfois compromettre partiellement ou totalement les récoltes, en fonction de la sensibilité des cultures aux excès d’eau. Les pluies représentent également une menace pour la production de gousses de vanille due à la fragilité de leurs fleurs. Sous l’effet des pluies, le pollen fond et la pollinisation manuelle des fleurs devient impossible. Sans pollinisation aucune gousse de vanille ne sera produite. Lors des pluies, ce sont autant de gousses perdues que de fleurs non pollinisées. Enfin, au travers des discours des agriculteur‧ices, le taro n’apparaît pas comme une production particulièrement sensible aux pluies en comparaison avec les légumes maraîchers et la vanille ; bien que la sensibilité des taros à l’humidité diffère selon les variétés.

Les agriculteur·ices et vaniliculteur·ices rencontré‧es à Taravao mettent en place diverses solutions d’adaptation parmi lesquelles l’installation de serres. Les serres permettent de protéger les récoltes de l’impact direct des pluies en fournissant une couverture étanche. En s’affranchissant de la contrainte pluie, il est possible pour les agriculteur‧ices maraîcher‧ères d’étendre la période de production de certaines productions notamment la tomate dont la culture est prolongée sur la saison chaude, une saison pluvieuse (été austral de novembre à avril).

Cela permet alors d’assurer un revenu financier sur cette période : « Taravao est renommé pour être une zone très pluviale. Il pleut beaucoup, beaucoup. Du coup, en saison des pluies, on n’arrive pas à faire pousser des légumes parce qu’il pleut trop. Tous ceux qui sont en plein champ comme ça, quand ils ont des pluies, ils ont plus de légumes. Du coup, nous, on a mis des serres pour pouvoir combler ce manque. Et voilà, nous, en saison des pluies, on peut quand même produire ». (Maraîcher, 30 35 ans). Notons néanmoins que l’installation d’une serre représente un investissement que tou‧tes ne sont pas en mesure de couvrir. Le capital financier dont dispose l’agriculteur‧ice en question peut de ce fait agir comme condition limitante à la mise en place d’une telle solution.

 

Conclusion

Outre l’exemple présenté ci-dessus, l’étude menée à Taravo a permis de mettre en avant des ressources a priori couramment mobilisées telles que la famille ou encore, pour une minorité d’agriculteur‧ices, les groupes spécialisés. Ces ressources permettent parfois la modification de pratiques agricoles pour pallier diverses contraintes.

Par exemple, la contrainte économique pousse certain‧es producteur‧ices de taro à délaisser les pratiques culturales de leurs aïeux (mobilisation du calendrier lunaire, utilisation d’outils mécaniques) au profit de méthodes moins énergivores et chronophages permettant ainsi la rentabilité de la culture. La contrainte économique n’est pas seule à peser sur l’agriculture. En effet, bien que les phénomènes atmosphériques extrêmes ne soient pas au cœur des discours et préoccupations des agriculteur‧ices, leurs impacts sont réels et constatés.

Il est clair que les agriculteur‧ices mettent en place diverses stratégies et tactiques permettant de pallier, du moins d’atténuer, certains impacts des phénomènes atmosphériques extrêmes. L’adoption de nouvelles pratiques est cependant conditionnée par divers facteurs dont le facteur économique qui freine les investissements matériels possibles. Enfin, notons qu’il s’agit bien de l’ensemble des pratiques des agriculteur‧ices qui permet d’atténuer les effets des phénomènes atmosphériques.

Analyser les modalités d’adaptation de ces pratiques dans le cadre de ce mémoire permet de nourrir le projet CLIPSSA, qui a vocation, dans les étapes suivantes, à co-construire avec les politiques publiques locales des stratégies d’accompagnement à l’adaptation au changement climatique, en se basant à la fois sur les simulations climatiques en cours et sur les connaissances locales.

Retrouvez le mémoire de Marie-Amélie Richez ainsi que sa présentation en suivant ces liens.

Intégration des jeunes dans les processus de consultations et d’élaboration de la stratégie d’adaptation au changement climatique en Nouvelle-Calédonie

Stage à temps partiel réalisé par Ilona Da Cruz Gerngross

 

Université de Nouvelle-Calédonie

Avril à Juin 2024

Encadrante : Fleur Vallet (IRD)

L’objet de ce stage était d’analyser et proposer des pistes d’amélioration pour l’intégration des jeunes dans les processus de consultations et d’élaboration de la stratégie pays d’adaptation au changement climatique en Nouvelle-Calédonie.

Cette étude traite dans un premier temps du contexte local du changement climatique, du contexte politique dans ce domaine, puis de la place des jeunes à la fois dans les enjeux climatiques et dans la société néo-calédonienne.

 

Contexte

 

La question du changement climatique occupe désormais une place centrale dans les débats mondiaux, engageant des réflexions sur son impact multidimensionnel. Les jeunes sont encore souvent exclus des débats publics, perçus comme manquant de connaissances, de la réflexion, de l’expérience ou des idées nécessaires pour jouer un rôle légitime en société. Cependant, leur intégration revêt des enjeux cruciaux, les jeunes étant à la fois les plus exposés aux changements climatiques futurs et les leaders de demain, avec des vulnérabilités et forces diverses qu’il est important de considérer pour soutenir une adaptation juste et pertinente.

 

Dans le cadre international autour de l’adaptation au changement climatique, les pays élaborent des stratégies pour répondre de manière ciblée à des besoins d’adaptation pensés pour le contexte local. Située dans le Pacifique Sud, une région où les vulnérabilités au changement climatique sont exacerbées par des facteurs géographiques et socio-économiques, la Nouvelle-Calédonie est menacée par des conséquences qui demeurent sur certains points insuffisamment connues, tant par l’ensemble de la population que par la communauté scientifique.

Dans le contexte complexe de la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie a souhaité l’élaboration d’une Stratégie d’adaptation au changement climatique, pour guider à l’échelle du territoire les actions d’adaptation qui pourront être déclinées à travers un plan d’adaptation au changement climatique. Cette initiative nécessite une coordination entre les acteurs gouvernementaux, scientifiques, secteur privé et les citoyens.

 

Intégrer les jeunes dans l’adaptation au changement climatique en Nouvelle-Calédonie

 

Pour cette étude il a fallu effectuer une revue bibliographique à l’échelle mondiale, un état des lieux sur la place des jeunes en Nouvelle-Calédonie et l’identification d’acteurs au potentiel pertinent pour soutenir l’intégration des jeunes.

 

D’une part, la revue bibliographique a montré que dans le Pacifique, de nombreuses actions ont permis aux jeunes de participer aux stratégies d’adaptation, notamment aux Îles Marshall, au Vanuatu et aux Îles Fidji notamment avec des projets éducatifs, de formation et de développement de capacités, des initiatives d’adaptation et de sensibilisation ou alors la formation de jeunes qui deviennent leaders communautaires.

Les Maldives, Madagascar et le Costa Rica mettent en place aussi des programmes éducatifs et des consultations publiques, des campagnes de nettoyage des plages, une inclusion des jeunes dans leurs efforts d’automatisation climatique et d’égalité des sexes.

 

La Nouvelle-Calédonie a déjà mis en place plusieurs plans notamment le plan jeunesse qui vise à structurer les politiques de jeunesse, favoriser l’autonomie, la responsabilité des jeunes et promouvoir leur reconnaissance sociale.

 

De plus, il est important d’identifier les différents acteurs clés de ce domaine pour assurer l’intégration réussie des jeunes dans les processus d’adaptation : acteurs politiques, organisations de la société civile, centres de recherche, secteur privé, organismes internationaux, bailleurs de fonds, plateformes et initiatives existantes.

 

Études de cas : les étudiants de l’Université de la Nouvelle-Calédonie

 

Un sondage a été effectué, et complété  par des revues bibliographiques, sur les élèves de l’Université de Nouvelle-Calédonie. En résumé, les niveaux de connaissance et d’implication personnelle des étudiants dans les enjeux climatiques locaux sont fortement variables d’un individu sondé à l’autre, ce qui démontre une hétérogénéité de la jeunesse, mais aussi d’un manque d’éducation et de sensibilisation spécifique et adapté à ce niveau d’après le ressenti des étudiants. Finalement, cette étude est une première approche exploratoire du rapport des étudiants au changement climatique.

Recommandations pour l’intégration des jeunes dans le développement de la Stratégie Pays d’Adaptation au changement climatique :

Des suggestions ont été formulées pour le plan d’Adaptation à partir de revues bibliographiques, de commentaires des étudiants et d’observations personnelles sur le terrain. On peut retrouver les objectifs et avantages de ces suggestion et les conditions de réussite.

–        Créer un Conseil des jeunes pour le Climat

–        Mettre en réseau les acteurs qui travaillent avec et pour la jeunesse

–        Renforcer l’éducation climatique et la sensibilisation des jeunes

–        Créer et/ou amplifier des événements attractifs sur les enjeux climatiques

–   Développer des opportunités d’engagement et d’actions pour les jeunes (Intégrer les jeunes comme acteurs proactifs dans la société, bénéficier de l’énergie et des compétences des jeunes pour générer des changements vertueux, créer une synergie d’engagement : plus il y aura des jeunes, plus l’engagement se développera)

–    Communiquer de manière efficace et ciblée (Rendre disponible l’information pour les jeunes et améliorer leur capacité à se saisir des enjeux)

En conclusion, la participation des étudiants de l’Université de la Nouvelle-Calédonie et des jeunes en général revêt une importance capitale dans la construction d’un avenir résilient face aux défis climatiques en Nouvelle-Calédonie. L’engagement, la créativité et les visions novatrices des jeunes sont des atouts précieux pour identifier des solutions efficaces et adaptées aux réalités locales.

 

Si vous voulez en savoir plus, retrouvez ici son mémoire, rapport ainsi que sa présentation !

( il faut clic droit et copier le lien pour ensuite l’ouvrir dans un nouvel onglet, veuillez nous excusez pour ces manipulations supplémentaires)

 

Stage de 5 à 6 mois – Sciences humaines et sociales CLIPSSA

A vos CVs ! CLIPSSA propose un stage gratifié d’une durée de 5 à 6 mois sur l’impact du changement climatique sur les systèmes agricoles en Nouvelle-Calédonie/Vanuatu et en Polynésie française/Wallis-et-Futuna.

La date limite de candidature est fixée au 30 janvier 2025.

Offre de stage IRD CLIPSSA VF

Vagues de chaleur atmosphériques en Nouvelle-Calédonie – Recherches d’Enora Cariou

Stage de fin d’études réalisé par Enora CARIOU

Ecole Nationale de la Météorologie

Février – août 2023

Encadrants : Alexandre Peltier (Météo-France), Christophe Menkes (IRD)

Enora Cariou a réalisé un stage de 6 mois incluant trois présentations (au démarrage, à mi-parcours et fin de stage) réalisées devant l’équipe-encadrante CLIPSSA et la communauté de chercheurs issus de l’IRD, l’IFREMER, Météo-France, etc.

Elle a soutenu son mémoire de fin de stage le 24 août 2023 devant les équipes de l’Ecole Nationale de Météorologie, l’IRD et Météo-France.

Objectif principal de l’étude

Cette étude a visé à faire un état des lieux des vagues de chaleur ayant impacté la Nouvelle-Calédonie au cours des 40 dernières années. Ce travail de recherche s’appuie sur l’indice Excess Heat Factor (EHF), caractérisant l’intensité des vagues de chaleur et généré à partir des données de température in-situ, en huit stations Météo-France et des ré-analyses ERA5 Land.

Contexte, problématique et objectifs spécifiques

Depuis 10 ans, Météo-France et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ont mis en place un outil de suivi et de prévisions des vagues de chaleur pour se prémunir de tout risque sanitaire lié à l’hyperthermie. La population calédonienne présente de nombreux facteurs de comorbidité – diabète, hypertension artérielle sévère, insuffisance cardiaque, obésité – qui la rendent particulièrement vulnérable aux coups de chaleur qui persistent la nuit. L’outil de suivi et de prévision des fortes chaleurs développés par Météo-France a permis de prendre des mesures par le gouvernement pour limiter le risque d’hyperthermie pendant la saison chaude. Si les autorités sanitaires ont exprimé leur satisfaction quant à la qualité des prévisions, les connaissances scientifiques sur les vagues de forte chaleur ne se sont pas enrichies. Le but de stage avait ainsi pour but de répondre aux questions suivantes :

  • Quels sont les caractéristiques des vagues de chaleur en Nouvelle-Calédonie (durée, intensité, nombre) ?
  • Quelles sont les tendances ?
  • Quels sont les mécanismes atmosphériques en jeu ?
  • Les épisodes les plus marquants étaient-ils localisés ou d’ampleur synoptique ?

Le plan de travail a été ciblé sur les points suivants :

  • Les caractéristiques temporelles des épisodes de forte chaleur localisés en Nouvelle Calédonie : définition de l’indice Excess Heat Factor (EHF) pour décrire les vagues de chaleur (données, méthodes et comportement de l’indice)
  • Les caractéristiques spatiales et temporelles des vagues de chaleur à l’échelle régionale (swSPCZ) : climatologies, tendances, téléconnexions avec l’ENSO et les régimes de temps
  • Etude des épisodes les plus intenses : application de l’analyse archétypales aux données EHF. 

Résultats principaux

Les études des climatologies annuelles, saisonnières et des tendances à long terme ont révélé en moyenne l’occurrence de 4 à 5 vagues de chaleur sur le territoire, durant en moyenne 4,5 à 5 jours. Elles sont plus nombreuses sur la côte Sud-Est de la Grande Terre et sur les Iles Loyauté, mais plus intenses sur le relief et la côte Ouest. De plus la saison fraiche (d’avril à octobre) connait des épisodes également plus intenses et plus longs. Une augmentation significative du nombre de vagues de chaleur sur la majorité du territoire est observée mais ce signal est moins clair pour les intensités et durées moyennes. L’étude sur l’impact de différents phénomènes atmosphériques concernant le nombre de vagues de chaleur à travers les trois types de temps (Temps Tropical, Alizé Instable et Perturbation Australe) favorisaient le nombre de jours de vague de chaleur. De plus, La Nina semble aussi favoriser significativement le nombre d’épisodes caniculaires. Enfin, le test réalisé sur l’oscillation de Madden-Julian fait ressortir deux phases, ayant un effet significatif mais opposé sur l’occurrence des vagues de chaleur.

L’étude des téléconnexions et l’analyse des évènements les plus intenses, grâce à la méthode d’Analyse Archétypale, démontrent une influence significative de l’ENSO sur le nombre et l’intensité des vagues de chaleur. Les régimes de temps dans la région agissent également sur l’occurrence des vagues de chaleur. Enfin, l’analyse Archétypale révèle des patterns géographiques lors des vagues de chaleur les plus intenses. Pour améliorer cette analyse, il faudrait mettre en place des tests statistiques pour confirmer ces constats. En Nouvelle-Calédonie, la vague de chaleur intense en été 2015-2016 a fait blanchir les coraux massivement alors qu’on ne s’attendait pas à cela. En effet, à priori, en Niño, les températures sont normalement plus fraîches. Ici, on observe une téléconnexion avec El Niño qui crée des vagues de chaleur intenses. Ce lien reste encore à prouver.

Il serait également intéressant d’appliquer l’analyse sur l’ensemble de l’année et pas seulement sur la saison chaude (non réalisé par manque de temps). En effet, uniquement sur la saison chaude et en faisant tourner l’algorithme plusieurs fois pour en déduire le nombre optimal d’archétypes, le temps de calcul était d’environ 48h. Il est possible cependant de réduire la dimension du jeu de données et appliquant une analyse en composantes principales, au préalable.

Perspectives 

Pour poursuivre ce travail, des tests statistiques devront être réalisés pour vérifier l’impact d’El Niño sur l’intensité des vagues de chaleur. De plus, les ré-analyses ERA5 Land montrent des biais non négligeables par rapport aux observations, en particulier sur les valeurs des températures et le nombre détecté de vagues de chaleur. Des travaux complémentaires sont à envisager en utilisant d’autres modèles. Dans le cadre des simulations numériques de hautes résolutions sur la Nouvelle-Calédonie de CLIPSSA, il serait donc intéressant, dans un futur travail, de calculer l’EHF sur ces données. Ici, nous avons appliqué l’analyse archétypale seulement sur la saison chaude. L’appliquer sur toute l’année permettrait de comparer les patterns en différentes saisons.

Enfin, les récifs coralliens sont menacés de blanchissement, notamment à cause des vagues de chaleur marine. Ainsi il pourrait être envisagé de développer un axe de recherche liant les vagues de chaleur atmosphériques et marines.

Retrouvez son mémoire, la présentation et article ici !

Un poster synthétisant son travail a été présenté par Alexandre Peltier au 30th Conference of the Australian Meteorological and Oceanographic Society (AMOS) – 3 au 9 février 2024 à Canberra.

Fête de la Science 2023 en Nouvelle-Calédonie : quand le sport rencontre le climat

La Fête de la Science 2023, qui se déroule du 10 au 27 novembre sous le thème « Sport et Sciences », a pris une tournure unique en Nouvelle-Calédonie grâce à une série d’événements co-organisés par l’IRD, Météo-France, Studio 4×4 et Canal+ Calédonie. Ces événements, alliant projections de documentaires et débats, ont exploré les liens entre sport et climat, en mettant l’accent sur l’impact du changement climatique sur les pratiques sportives locales.

Une réflexion à travers le cinéma

Le point central du croisement entre sport et climat a été la diffusion de la série documentaire sportive « Sans limites », qui met en lumière le dépassement de soi chez des athlètes calédoniens. Cette série a servi de base pour lancer des discussions sur un sujet d’une actualité brûlante : l’évolution des pratiques sportives dans un monde de plus en plus soumis aux effets des changements climatiques.

Les projections-débats se sont déroulées en deux temps et dans deux lieux différents, chacun abordant un aspect spécifique des sports terrestres et nautiques.

Première étape : le cinéma Le Rex

Le 10 novembre, au cinéma Le Rex, les activités sportives terrestres ont été à l’honneur. En matinée, deux projections-débats destinées aux scolaires ont été organisées, permettant à une quarantaine de collégiens et lycéens de visionner l’épisode consacré au VTT.

S’en est suivi un échange animé avec Alexandre Peltier, responsable de la division climat à la Direction Interrégionale de Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna de Météo-France, David Esposito, champion de VTT, et Fleur Vallet, coordonnatrice du projet CLIPSSA, permettant aux jeunes de mieux comprendre les défis environnementaux auxquels i·els seront confronté·es.

Présentation de l’épisode VTT aux scolaires

Le même jour, en soirée, s’est tenu l’inauguration de la Fête de la Science en Nouvelle-Calédonie, avec la projection de l’épisode sur l’Ultra-Trail. Devant un public de 75 personnes, sous la modération de l’animatrice et facilitatrice Soizic Fleury, un débat a eu lieu avec le public avec la participation de 4 intervenant·es issu·es des domaines sportif, académique et scientifique :

  • Angélique Plaire, athlète Néo-Calédonienne championne de l’Ultratour des 4 massifs (UT4M) en 2017, l’Ultra Trail de Nouvelle Calédonie en 2017, 2018 et 2019 et a fini en 2019 sur les podiums de l’Ultra World Tour dans le Pacifique en février sur l’épreuve Néo-Zélandaise du Tarawera Ultramarathon
  • Olivier Galy, maître de conférences et docteur en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS), et directeur du Laboratoire de recherche en éducation à l’Université de Nouvelle-Calédonie
  • Alexandre Peltier, responsable de la division climat à la Direction Interrégionale de Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna de Météo-France
  • Fleur Vallet, géographe-environnement et coordonnatrice du projet CLIPSSA

Ces échanges ont permis d’approfondir la réflexion sur les défis que les dérèglements climatiques imposent aux athlètes de haut niveau.

Échanges – débats avec les intervenants après l’épisode Trail

Deuxième étape : Origin Cinéma

Le 16 novembre, les projecteurs se sont déplacés au cinéma Origin, où les sports nautiques ont pris le relais. Cette soirée était centrée sur l’épisode Va’a de la série « Sans limites ». La discussion qui a suivi, en présence de l’océanographe Alexandre Ganachaud de l’IRD et de Phoebe Roger, championne de France en Kite-Surf freestyle junior, a réuni une trentaine de personnes. Le débat a porté sur l’impact des changements climatiques sur les océans et, par conséquent, sur les sports nautiques, offrant une perspective scientifique éclairée sur les enjeux futurs.

Un dialogue ouvert et essentiel

Sous la modération de l’animatrice et facilitatrice Soizic Fleury, ces événements ont offert une plateforme d’échange autour de questions essentielles : comment nos pratiques sportives évolueront-elles face à l’augmentation des températures, des vagues de chaleur et des événements climatiques extrêmes ? Quels seront les défis à relever pour les athlètes de demain ?

Ces projections-débats ont également été l’occasion de mettre en lumière les résultats du stage de recherche d’Enora Cariou, sur les vagues de chaleur en Nouvelle Calédonies, offrant ainsi une passerelle entre la recherche scientifique et les préoccupations du grand public.

Ainsi, la Fête de la Science 2023 en Nouvelle-Calédonie ne s’est pas contentée de célébrer les sciences ; elle a permis une réflexion profonde sur l’avenir du sport dans un monde en mutation climatique, tout en sensibilisant les jeunes générations et le grand public à ces enjeux cruciaux.

Pour aller plus loin, retrouvez le making-off de la Fête de la Science 2023, à travers cette vidéo :